Désobéissance

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Boîte à musique | 38mins | (Sabbat)

Le garçon sortit de chez lui, bien vêtu pour ne pas attraper froid. Il lança d'une voix forte :

- Je vais au parc !

- Très bien Eliott, répondit ça mère, mais rentre avant le crépuscule !

- Oui maman, à tout à l'heure !

Il referma la porte, courut dans le grand jardin, salua son père qui y travaillait, et se dirigea vers la ville, en bas de la colline.

Son père l'arrêta avant qu'il ne passe la grille :

- Eliott !

- Oui 'pa ?

- Où cours-tu-donc comme ça ?

- Je vais au parc !

- Tu y retrouves quelqu'un ?

- Oui, je me suis fait une amie ! Elle est super sympa !

- Ah, c'est bien ! Elle a ton âge ?

- À peu près, un peu plus jeune je crois, elle doit être en sixième peut-être. On s'est donné rendez-vous à côté de la grande mare aujourd'hui !

- Va pas t'y baigner hein !

- Mais, non je ne suis pas bête, et puis je ne nage pas très bien !

- Bon alors amuses-toi bien, et sois bien de retour pour le déjeuner !

- Bien sûr 'pa !

Avec un grand sourire, l'homme le laissa partir.

Eliott regarda sa montre à l'effigie de son super héros préféré, ça allait, s'il ne lambinait pas sur le chemin, il ne serait pas en retard.

Il ne lambina pas.

Il arriva près de la grande mare et s'assit sur un banc.

À dire vrai, il faisait toujours en sorte d'arriver un peu en avance, l'idée même d'un retard le mortifiait, traumatisme qu'il avait acquis en cours de mathématique quelques années auparavant, à son entrée au collège.

Qu'est-ce que c'était nul le collège ! Eliott détestait ça de toute son âme.

Il avait beau être en quatrième et y être bien habitué désormais, ça ne le rendais en rien plus supportable.

Juste parce que ses parents étaient un peu riches et vivaient sur le fameux manoir sur la colline, tout le monde le détestait.

Quelle bande d'idiots !

Enfin, mieux valait ne pas y penser.

Eliott fouilla dans un petit sac, récupéra quelques morceaux de pain, et en distribua au canards. D'abord un par un, puis par poignées, tant les volatils s'agglutinaient devant lui.

Il voulut jeter le reste d'un coup, tel un bouquet final comestible, mais une oie maline l'avait contourné furtivement, elle le fit sursauter, puis s'empara du sac en papier et du butin qu'il contenait, avant de s'enfuir en écartant les ailes en signe de victoire, poursuivie par des canards en colères réclamant leur part.

Le jeune garçon se gratta la tête, puis hocha les épaules et se rassit.

Un rire.

Son amie venait d'arriver, elle avait assisté à la drôle de scène.

- Ben alors, tu te fais martyriser par de la volaille maintenant !

- Certainement pas, j'ai assez d'emmerde comme ça au collège. Ce n'était qu'un sac de pain, en papier en plus, donc dégradable. Et puis ça leur fait faire du sport !

- Bien dit ! On va faire un tour ?

- Si tu veux !

Ils marchèrent ensemble une bonne heure, en discutant et en riant, puis revinrent au même banc, non sans dépenser leur argent de poche en friandises sur le chemin. Ils s'assirent, et alors que la jeune fille terminait son beignet, elle lança :

- Oh ! Mais j'oubliais, j'ai amené ça ! Je l'ai gagné à la fête foraine !

- C'est quoi, une boite à thé ?

- Mais non idiot, une boite à musique !

- Ah, ben oui ! Je n'en avais jamais vu avant. Je peux écouter ?

- Ben oui banane, sinon je l'aurais pas amené !

- Oh ça va !

Avec un sourire indéfinissable, l'amie d'Eliott ouvrit la boîte, laissant s'en échapper une mélopée si parfaite que le jeune homme ne vit pas le temps passer.

- C'est quel morceau ? De qui ? Il faut absolument que je le retrouve sur internet et que je le télécharge !

- Tu sais que c'est illégal.

- Mais non, c'est la loi je sais pas quoi « fair-use » là. Et puis tout le monde le fait.

- Pour ce qui est de ta question, je ne saurais y répondre. Mais ton père le pourrais peut-être, tu m'avais dit qu'il aimait beaucoup la musique classique, non ?

- Ah, oui, en effet.

- Bon et bien je te la prête, tu la lui feras écouter.

- C'est vrai, je peux ?

- Du moment que tu me la rends. Tu ne l'abîmes pas hein !

- Bien sûr !

- Parfait ! Ouh ! Il se fait tard, je vais devoir rentrer.

- Tu as raison, moi aussi. On se voit ici le week-end prochain ?

- D'accord, même heure. Et n'oublie pas la boîte à musique.

- Pas de problème ! Au revoir Aly' !

- Au revoir Eli' !

Ils s'embrassèrent sur la joue, mais pour le jeune homme, sous le charme, c'était déjà beaucoup.

Elle le regarda remonter la pente menant à sa demeure avec un grand sourire.

Quand il eut disparu, et le soleil aussi, des ombres surgit une femme. Elle s'adressa à sa progéniture :

- Alors ?

- Alors, je l'ai complètement séduit.

- Ce n'est pas ce que je demande, Alyssia !

- Je sais. Mais il fera tout ce que je lui demande, j'en suis persuadée. De toute façon, mon nouveau maléfice de suggestion mentale est dans cette boîte à musique et j'ai vérifié tout à l'heure son efficacité.

- Mais pourquoi t'embêter ainsi ? Je t'avais demandé de me débarrasser de cette famille de vardas !

- Mère, si vous réfléchissiez vous le sauriez !

- Ne me parle pas sur ce ton !

Alyssia haussa les épaule.

- Je ne tuerais pas un pion que je peux repeindre de ma couleur, c'est évident !

- Si tu peux le repeindre, d'autres le peuvent aussi ! Les vardas vont voir au travers de ton petit jeu !

- Ça m'étonnerai. Ça m'étonnerai beaucoup !

- Et pourquoi ça ?

- Vous verrez mère, en temps voulu. Après tout, comme les humains le disent si bien, un bon magicien ne révèle pas toutes ses astuces. Je suppose que pour des sorcières comme nous, c'est d'autant plus vrai.

Boîte à musiqueWhere stories live. Discover now