4. Hämnd : La loi du talion

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Sven avait décidé de rester, mis dans la confidence pour l'étalon. Ce dernier, nommé Önskan, était devenu la pièce maîtresse d'un stratagème vengeur.

En effet, la soirée des retrouvailles avait été un déclencheur sur bien des plans. D'une oreille distraite, le grand brun avait capté les complaintes des villageois. La plupart des hommes déploraient la répression constante et le manque d'implication de la princesse. Un vieillard inquiet avait même évoqué les Avkodaren, murmurant sur le ton du secret qu'ils étaient réapparus dans le Nord et erraient aux alentours de Falun. Alban savait cette unité militaire responsable du drame de son enfance, mais ils n'avaient plus donné signe de vie et lui s'était résigné ; il n'y aurait pas de justice, pas pour les pauvres.

L'idée de leur faire payer leurs méfaits lui était revenue au gré des rumeurs. Il ne pouvait pas y rester indifférent ni accepter qu'ils répandent le sang des catholiques alors qu'il s'agissait d'innocents avant tout. Après tout, il avait grandi, savait se battre comme personne et n'avait rien à perdre : ni poste, ni terres, ni femme, ni enfant pour empêcher cette folie de germer dans sa tête. C'est ainsi que lui, humble forgeron, et Önskan, l'étalon d'or, s'étaient lancés à corps perdu dans une vaste quête revancharde. Animé du pire dessein qui était de rendre au centuple le mal commis, était né l'emblématique Ryttare, le « cavalier du peuple ».

Il avait laissé ses oreilles traîner dans les rues et avait réussi à déterminer la position de l'unité. Il avait patrouillé chaque soir sans relâche, jusqu'à celui qui l'avait fait connaître.

Une colonne de fumée s'était élevée, au loin, sous les étoiles. Bien que juché sur le plus rapide cheval de la contrée, il était arrivé trop tard, au pied d'un foyer incendié, à Uddnäs. Dans la nuit, rageusement, il avait tenté d'éteindre les flammes. Il avait fendu les planches qui bloquaient la porte et les fenêtres. Puis, il était entré, sur les cendres encore fumantes. Il avait extirpé les trois corps, par principe, et avait fouillé la demeure dans l'espoir de dénicher un indice sur la prochaine destination des tueurs.

Il était ressorti le visage couvert de suie, méconnaissable, anonyme, acclamé par les villageois venus en renfort. Sans le savoir, il avait sauvé une vie. La femme en avait réchappé.

Les réelles intentions du forgeron, purement égoïstes, furent cachées derrière celles, plus nobles, qu'on lui attribua dès lors. Il fut ainsi érigé comme défenseur. Aux yeux de tous, Sven y compris, il agissait en protecteur.

***

— Tu rentres tôt, constata Sven, assis dans la paille.

Alban ôta son masque. Il l'avait lui-même découpé dans un cuir souple et brillant, de sorte à dissimuler la moitié de son visage.

— Les soirées sont calmes en ce moment, répondit le brun, avec un geste tendre pour sa monture.

Depuis l'incendie, il avait perdu la trace des assassins. Par dépit, et soucis d'entraînement, il avait jeté son dévolu sur des voleurs, afin de sécuriser les rues. Ce qui n'était d'ailleurs qu'un prétexte pour errer partout sans que de potentiels témoins trouvent cela suspect. Mais de tels larcins se firent rapidement rares : sa réputation le précédait et la criminalité baissait sur son passage. Même les querelles entre voisins et les frictions dogmatiques cessaient. Il était devenu le remède aux maux dont souffrait la Suède. Il aurait pu poursuivre cette très noble démarche, mais son but, secret, en faisait davantage un poison.

Alban referma soigneusement la porte de la grange et tendit les rênes au jeune blond. L'étalon était encore vif, signe qu'il ne s'était pas assez dépensé.

— Laisse-le courir, s'il en ressent l'envie. Je monte me coucher.

Sven acquiesça. C'était ainsi qu'il gagnait sa pitance : en assurant les arrières de son ami. Il s'occupait d'Önskan, le cachait, le préparait, veillait à l'entretien des terres autour de leur petite ferme. Il prenait également soin du deuxième cheval, trapu, bai, qu'ils avaient pu acquérir et qui constituait la couverture d'Alban en extérieur.

Reine & Cavalier T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant