Chapitre 1

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— Papa ! Papa ! Regarde l'hélicoptère ! Regarde ! Il passe tout près, juste là-bas !

Un profond soupir, probablement le cent unième de cette journée débutée il y a seulement une heure, quitta ma gorge alors que je m'affairais à nouer ces foutus lacets. Milo n'était debout que depuis trois quart d'heure à peine et je me sentais déjà dépassé par le planning serré de la journée. Nancy, ma défunte femme, avait toujours su comment captiver notre garçon et faire en sorte qu'il ne soit jamais en retard mais maintenant qu'elle n'était plus là, j'avouais ne pas savoir gérer mon temps. Notre temps. Le mien, mais aussi celui de mon fils. Ce fut d'ailleurs lors de la semaine qui avait suivi son décès que je me suis rendu compte de ce qu'élever un enfant seul représentait. En clair ? Un véritable bordel.

Cela faisait près de six mois que Nancy nous avait quitté et j'avouais avoir espéré mieux m'en sortir. Après tout, j'étais père autant qu'elle était mère mais notre quotidien actuel prouvait qu'elle s'y prenait jadis bien mieux que moi. Je me sentais comme une épave en perpétuelle constance, inapte à m'occuper de mon môme comme tout père digne de ce nom le devrait. J'avais même souvent honte de ma façon de gérer les choses avec lui et me comparais sans cesse aux autres figures paternelles que j'avais le malheur de croiser.

— Milo, dépêche-toi de mettre ta veste. Tu vas encore être en retard, criai-je en réajustant les mèches sombres qui retombaient de chaque côté de mon visage.

Un râle enfantin fit siffler mon oreille.

— Je t'ai aussi déjà dit d'arrêter de souffler.

— Ouais ! râla mon fils.

— Oui, pas ouais ! repris-je en passant la main sur ma barbe en guise d'agacement.

Nancy avait toujours fait l'effort de reprendre Milo lorsqu'il s'exprimait mal et même si cela avait tendance à m'agacer, je m'efforçais toujours de faire comme elle depuis sa mort. Par respect. Je lui devais bien ça aussi, après tout. Elle tenait à ce que notre fils soit bien éduqué, chose que je m'obstinais tant bien que mal à accomplir mais je devais bien reconnaître que ce gamin était sacrément têtu. Et ce n'était certainement pas de moi qu'il tenait cela.

— C'est bon, je suis prêt ! annonça Milo en s'élançant à travers le couloir.

— Bien. Allez file, c'est Maggy qui t'embarque aujourd'hui.

— Mais pourquoi c'est pas toi ?! gronda la petite frimousse brune qui s'agitait pour libérer ce trop-plein d'énergie.

— Parce qu'aujourd'hui je commence plus tôt au travail.

Foutaises.

En réalité, je devais surtout passer voir Marco avant d'aller au boulot, un ami de longue date qui travaillait dans la police. Ce dernier m'avait contacté la veille pour m'informer qu'il détenait de nouvelles pistes concernant le décès de ma femme, qui fut aussi jadis l'une de ses amies. Il me tenait toujours au courant à la seconde où il pensait détenir quelque chose. Une preuve, un soupçon, un sentiment, qu'importe. Du moment que cela pouvait nous faire avancer sur l'enquête de Nancy, je n'avais aucune exigence précise puisque ses honorables collègues avaient décidé de faire croire à une mort naturelle plutôt qu'à un assassinat. Aucune empreinte, aucune marque sur le corps témoignant d'une quelconque lutte et pour couronner le tout, aucun témoin. Ajouté à cela que l'endroit exact où Nancy avait perdu la vie n'était surveillé ce soir-là par aucune des caméras, pourtant présentes dans toute, absolument toute la ville.

Je connaissais ma femme. Prudente, inquiète et minutieuse à souhait, il était évident que son âme n'avait pas déserté ce monde à cause d'une fichue crise cardiaque. Marco m'avait affirmé que ce jour-là, son portable ainsi que ses clés d'appartement ne se trouvaient pas dans son sac à main.

L'Attrait du TémoinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant