Chapitre 1 : Violette

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1. Violette

Ton essence est délicate et subtile

Une lune blanche éclairait faiblement le ciel noir des rues de Londres. Du haut de sa splendeur, Big Ben sonna six heures. À plusieurs kilomètres du carillon, un homme leva la tête et posa son regard sur la blancheur céleste. La ville encore calme, à moitié endormie, avait quelque chose de magique. Un peu comme si le temps était suspendu au bord de l'astre et caressait doucement les visages poupins de la capitale. C'était cette magie-là qui, finalement, le fit sourire malgré la fatigue. Il aimait vraiment cet instant. Surtout le matin, en rentrant du travail.

Tandis qu'il mettait une main dans une de ses poches et que l'autre serrait un peu plus sa sacoche où une plaque avec le nom Issey Wilson était gravé, il reprit sa marche en direction de son appartement.

Il aurait pu encore flâner dans les rues, regarder les premiers passants qui allaient travailler, effleurer du bout des doigts les quelques nuages, observer les bourgeons précoces des arbres, ou bien rêver sans réfléchir, mais il était fatigué, épuisé de sa nuit de travail. Et l'idée de retrouver son lit douillet était bien trop forte pour y résister.

Tout en sortant du parc Jubilee, un étrange bruit attira son attention et il tourna la tête. C'était dans une ruelle très mal éclairée, regorgeant de poubelles et de chats errants. En voyant ces derniers se disputer un morceau de hamburger, il leva les yeux au ciel. Il n'y avait pas de quoi s'alarmer.

Cependant, le bruit se reproduisit, l'empêchant de reprendre sa route. Il y avait quelque chose d'inhabituel dans cette vibration. Il hésita quelques secondes, puis fit un pas dans l'allée. Les chats miaulèrent en le voyant se rapprocher. Et il y avait toujours ce bruit. C'était comme un gémissement étouffé.

— Il-il y a quelqu'un ? demanda-t-il, peu rassuré.

Pour toute réponse, un matou gris cracha en sa direction et sauta sur une poubelle, la faisant vaciller. C'est à cet instant même qu'il entraperçut une forme cachée derrière dans les ombres. Et même s'il y voyait mal et que l'envie de s'enfuir en courant le taraudait, il fit un pas de plus. Tout en se rapprochant de la forme, il se demanda s'il n'était pas en train de faire une erreur. Probablement. Il devait avoir des envies suicidaires, ce matin.

À première vue, la masse en question semblait être un corps humain. Et vivant, puisqu'il bougeait et gémissait. Néanmoins cela pouvait être un SDF, un drogué, un alcoolique, voire un violeur ou un meurtrier. Cela pouvait être n'importe qui.

— Est-ce que ça va ? osa-t-il demander en se penchant un peu en avant, sans pour autant trop s'avancer.

— Et merde ! jura la forme.

Au vu de ces quelques mots, cette dernière devait être un homme, probablement assez jeune. Il attendit. Peut-être une réponse à sa question. Ou la dernière seconde de sa vie.

— En fait, non, soupira l'inconnu.

Cependant, cette réponse ne l'aidait pas vraiment. Était-ce un piège ? Ou est-ce que l'individu en question avait réellement besoin d'aide ? Toutefois, comme dans beaucoup de situations, il ne pouvait pas ignorer un appel au secours.

C'est donc avec une certaine méfiance qu'il s'avança un peu plus et contourna la poubelle qui lui cachait la vue. Il se retrouva face à un homme, à moitié allongé par terre, les cheveux d'un blond très pâle, en bataille, et les mains posées sur son tee-shirt gris maculé d'une substance qui ne lui semblait pas inconnue.

Du sang ?

— Qu'est-ce que vous avez ?

L'homme leva la tête et plongea ses iris dans les siens. En raison de la pénombre environnante, il ne vit pas très bien ses traits, mais quelque chose dans son regard le fit frissonner. L'inconnu leva une main tachée et, tout en poussant un nouveau gémissement, grimaça. Maintenant, il en était sûr : c'était bien du sang qui coulait d'une blessure à l'abdomen.

Night BloomWhere stories live. Discover now