6. Farling : Dangereux

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Le Ryttare asséna un violent coup de pied dans l'arrière des genoux du voleur. L'homme, livide, tomba, dans une flaque, sur ses rotules. Il ne releva la tête qu'après un moment, constatant être affalé pitoyablement sous une affiche à son effigie.

Il ne s'opposa pas davantage, abattu par la dérouillée reçue plus tôt dans la soirée, dont son visage arborait les stigmates. Il se savait incapable de combattre l'homme au masque, à l'épée facile et à la rage tenace.

La pluie continuait de pilonner le sol et, à la simple lueur des torches sur la place principale de Falun, le Ryttare venait livrer justice. Il cachait mal son plaisir de littéralement rouler dans la boue un larron sans foi ni loi, mais l'extase aurait été à son paroxysme s'il s'était agi d'un riche prétentieux.

Il avait d'ores et déjà ligoté les mains du coupable, mais il termina son exposition ; il récupéra, dans les sacoches sur Önskan, de larges chaînes en acier, faites par ses soins, et vint enrouler son pâle trophée. Il le cloua au mur et là s'arrêta sa mission. Les villageois pouvaient bien lui faire ce qu'ils voulaient, cela n'était plus de son ressort.

Il tourna les talons sans un remords, mit pied à l'étrier et se rassit noblement sur sa selle.

Ses rétines brillaient de satisfaction à travers les minces trous dans le cuir. Elles croisèrent celles, éteintes, du malandrin, aux paupières tuméfiées.

Un claquement de langue dénué d'empathie rompit le contact et le cavalier disparut dans la nuit.

***

— Tu peux préparer tes affaires, Sven, déclara Alban en péné- trant dans la grange.

Sven, alors couché dans la paille, se réveilla brusquement. Alban déposa par terre la selle et le filet dont il avait libéré sa monture.

— Comment cela ? s'ébahit le blond, bâillant.

— Il est grand temps pour nous d'explorer d'autres contrées !

— Je croyais ton âme de vagabond en sommeil, maugréa Sven en se relevant.

— Elle l'a été trop longtemps, condamna le brun.

— Et Filip ? Tu ne devais pas rester jusqu'à son retour ?

Le visage fraîchement rasé d'Alban s'assombrit. Il vida son sac :

— Plus les mois filent, moins j'ai espoir qu'il nous reviendra. Je pense qu'il aurait souhaité que ma vie continue.

Sven ne put s'empêcher de creuser les raisons de son ami :

— Mais nous avons tout, ici. Pourquoi partir brusquement ?

— À cause de cela !

Ce disant, il jeta son loup en cuir sur la table accolée au box d'Önskan.

— Tu es ce personnage depuis des mois, répliqua Sven.

— Je suis maître d'armes et les gens sont loin d'être sots. Ils me démasqueront.

— Si tu pars, ils le sauront aussi !

— C'est déjà moins certain !

Qu'importe ce que le benjamin en pensait, Alban avait pris sa décision. Et Sven avait appris à vivre selon le bon vouloir et les humeurs de son mécène. Il croyait en sa sagesse, quand bien même Alban n'était guère plus âgé. Il se tut, par respect.

Effectivement, ils prirent la route la nuit suivante. Alban avait pris soin de réclamer son argent au forgeron et de l'informer de son départ ; cela lui était bien égal d'abandonner son confrère au milieu d'une énorme commande. Il était revenu comme libéré d'un poids, délivré d'une attache. Il s'était ensuite activé pour charger l'équivalent de cinq années sur la petite roulotte en bois qu'allait tirer le rustique cheval bai.

Reine & Cavalier T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant