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Janvier d'une année inconnue

Il tombe des cordes à n'en plus pouvoir. Les sols sont tellement imbibés qu'ils rejettent autant d'eau qu'ils n'en absorbent. Les pas des passants font de légers clapotis, face à l'immense déferlement. Ils courent, couverts d'un parapluie indéniablement trop petit.

Les flaques rencontrent les gouttes, et se mettent à chanter la même symphonie. Une délicate mélodie que seuls certains affectionnent. Le genre de musique douce, granitée d'un côté sauvage et naturel que nul autre son ne pourra jamais s'approprier. Elle ressemble à ça, la chanson du mois de Janvier.

Sous les toits, c'est autre chose. Le feu crépite et des mains se frottent les unes contre les autres, tentant de redonner vie à ce pauvre sang gelé. Tout est calme. Un silence de plomb règne dans la maison.

Mais quel boucan, dehors. Un temps de chien.

Mais même les chiens ne veulent pas sortir.

Bon dieu que je préfère la neige.

L'averse insolente murmure aux voisins que l'année ne sera ni bonne, ni mauvaise. Elle sera seulement ce qu'elle doit être. Elle fait taire les superstitions et les dictons. S'il pleut, c'est qu'il doit pleuvoir.

Ce feu met des plombes à chauffer. J'aurais le temps de mourir deux fois congelé.

Le problème avec l'eau, c'est qu'elle a tendance à refroidir les cœurs et les mains des vieillards. Elle les rend maussades et aigris. Eux qui bénissaient tant cette pluie, lorsqu'ils étaient petits. Ils ne se souviennent pas avoir tourné d'innombrables fois sur place, les bras tendus, la langue pendue, pour attraper et boire chaque goutte du ciel. Le temps nous fait perdre des souvenirs et nous donnent de nouvelles choses à maudire.

Le vieil homme, las d'attendre que le feu fasse son travail, attrape une paire de gants et les enfile à toute allure. Il tourne en rond, se gratte le front, passe une main dans le peu de cheveux qu'il lui reste et s'assoit nerveusement. Ô torrent céleste, qu'est-il possible de faire lorsqu'un pauvre paysan voit son champ plonger sous tes caprices ? Rien, mon pauvre ami. Patiente, ferme les yeux et pense à autre chose. Pense au soleil qui, à la place, pourrait noircir ton ouvrage et le rendre inexploitable. Pense au vent qui pourrait tout détruire sur son passage. Pense aux animaux qui grignoteront le fruit de tes entrailles avant toi. La pluie n'est pas si mal, finalement.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 14, 2020 ⏰

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Le chercheur de larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant