Prologue

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La nuit était déjà tombée depuis un moment quand elle se retrouva enfin devant la porte de son appartement. Elle soufflait déjà de soulagement car son voyage lui avait bien trop cassé les pieds: se taper dix heures de train au lieu de quatre c'est l'horreur, surtout quand vous êtes assis à côté d'un bébé qui passe son temps à brailler et d'un russe qui pense que tout le monde devrait profiter de sa conversation téléphonique alors que personne ne comprenait un mot de ce qu'il disait. Pour résumer, elle était à bout de nerf et elle n'imaginait qu'une chose, retrouver son lit et ne pas se réveiller avant demain, treize heures. Elle était donc à deux doigts de réaliser ce petit rêve.

Elle appuya par reflex sur la poignée de sa porte qui, étonnamment, s'ouvrit de suite; elle fronça les sourcils. Sa cousine n'avait pas fermé la porte? Il y avait quelque chose d'étrange et elle sentait déjà la douille venir.

Lodovica, sa cousine adorée, notez ici l'ironie, n'avait nulle part où rester sur Paris, pile au moment où Agathe partait rejoindre des amis dans le sud. Si ses parents n'avaient pas fait pression sur elle en clamant que c'était la famille et qu'on se doit de bien se comporter avec, il est clair qu'elle aurait immédiatement refusé que Lodovica ne dépose ne serait-ce qu'un pied dans son appartement sans qu'elle y soit. Mais elle avait dû accepter car elle ne peut rien refuser à ses parents, du moins de cet ordre là. Sa cousine est irresponsable, clichée à mourir et un peu idiote sur les bords. Elle rêve de la vie luxueuse parisienne dessinée dans les films, c'est à dire soirées tous les soirs avec alcool à flot, appartements de luxe, habits de luxe, amis de luxe la totale quoi. C'est une pseudo influenceuse d'instagram qui se pense supérieure en clashant des inconnus sur twitter. Elle filme l'intégralité de sa vie inintéressante au possible sur snapchat et pour clore le tout, elle est amoureuse d'elle même. Son unique problème dans sa petite bulle de strass et paillettes c'est qu'elle habite à Saint-Valery-en-Caux en Normandie et comment vous dire que ça ne fait pas autant rêver que la capitale. Son autre gros problème, c'est qu'elle se sent chez elle partout et ça pourrait être positif si ça ne rimait pas avec un défilé de personnes qui étaient complètement inconnues à Agathe dans son appartement et son salon retourné. C'est là qu'on peut voir sa débilité profonde, elle met tout en story et elle ne la bloque même pas. Agathe a tout vu en direct et plus d'une fois failli prendre le premier train pour aller lui foutre la plus grosse gifle de sa vie. Jusqu'au bout elle va tout foirer: elle devait partir ce matin de chez elle, pour son retour finalement, et même là elle n'a pas réussi à fermer une simple porte à clé. Si Agathe l'avait sous la main, elle l'étranglerait avant de la jeter dans la Seine. Comme vous pouvez l'avoir compris, elle a un don assez particulier pour l'énerver.

Elle soupira pour essayer de se calmer et entra dans son appartement. Elle resta perplexe en voyant la paire de talons dans l'entrée à côté d'une paire de Nike clairement pas féminine. Agathe fronça des sourcils inconsciemment tout en continuant d'avancer dans le salon après avoir allumé la lumière, elle n'en revenait pas. Les coussins et plaids du canapé étaient en boule dans un coin près de la télé qui était allumée, la table basse était couverte de bouteilles d'alcool et d'un cendrier remplit à ras-bord , des fringues étaient éparpillés dans les quatre coins de la pièce et son vase préféré avait disparu. Elle n'osait même pas se retourner pour voir l'état de la cuisine.

Un nouveau soupire quitta ses lèvres. Elle déposa enfin ses valises sur le sol et passa une main dans ses cheveux bruns, un peu décoiffés par le trajet. Elle allait s'appuyer contre le dossier du canapé quand un gloussement résonna dans la pièce: ça provenait de sa chambre et honnêtement, elle savait quasiment à quoi s'attendre. Elle se dirigea dans le couloir, en direction de sa chambre et ouvrit sans même prévenir la porte. Sa cousine tourna immédiatement la tête en sa direction, les yeux écarquillés et un air choqué qui était collé au visage. L'homme qui était dans le même lit qu'elle avait l'air tout aussi surpris. Il fixait Agathe la bouche ouverte et les sourcils froncés, agrippant d'une main ferme les draps de son lit. Ils étaient les deux nus, enfin elle imaginait bien de par l'importance qu'ils prêtaient à la couette. Elle avala difficilement à cause de sa colère et roula des yeux. Elle ne pensait réellement pas tomber sur ça en arrivant.

-Dégage Lodovica.

Son ton était sec alors que son regard était plongé dans le sien. Elle était furieuse.

-Attends Agathe! Je peux pas partir, j'ai nulle part où aller, sois sympa pour une fois.

-Tu t'y prends si mal. Sois sympa? Je t'ai hébergé alors que j'étais même pas là! Je t'ai laissé faire tes conneries, retourner mon appart sans que je ne te vire et tu me demandes d'être sympa? Je crois que je l'ai trop été à mon goût!

Agathe prit les habits de Lodovica qui gisaient au sol et les balança sur le lit en lui lançant des dagues avec les yeux.

-T'es allée trop loin. Tu te tapes un mec dans mon lit, je sais même pas d'où il sort. Tu devais partir ce matin, tu l'as pas fait, tant pis. Maintenant tu te débrouilles mais tu dégages. Je veux plus te voir ici.

Elle récupéra le sweat au sol du gars dans son lit et lui jeta également à la figure. Le pauvre était juste au milieu de tout ça et elle imaginait bien qu'il ne se doutait de rien, mais elle était bien trop énervée pour en avoir quelque chose à faire.

-Toi aussi tu sors.

Elle claqua la porte de sa chambre et retourna dans la pièce principale. Assise sur une chaise haute de l'îlot central de la cuisine, elle attendait que les deux sortent en prenant bien soin de prévenir Maëva, sa colocataire, de sa magnifique surprise. Maëva ne s'en réjouissait pas non plus.

Après de longues minutes, ils sortirent enfin de sa chambre et passèrent devant elle. Sa cousine enfila ses talons et sortit sans même lui adresser un mot, quant à sa conquête, il lui dit au revoir d'un ton blasé. Heureusement qu'elle ne le verrait plus jamais parce qu'il commençait à lui taper sur les nerfs. Pour qui se prenait-il à jouer au blasé alors que le gars était dans son appartement sans qu'elle ne le connaisse.

Une fois seule, elle grogna et s'effondra sur son canapé: hors de question qu'elle dorme dans son lit après ce qu'ils ont fait dedans, ça la dégoûtait trop. Finalement elle s'endormit dans une position inconfortable, la télé toujours en marche qui reflétait une lumière bleue sur sa peau matte.

Sprezzatura // N.O.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant