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Note : Voici une nouvelle qui n'a ni sens concret ni qualité philosophique ou littéraire. Il s'agit juste d'un concentré de spontanéité. Ne la considérez pas comme un récit autobiographique mais plutôt comme une réflexion sur la solitude et l'amertume. Je l'ai écrite dans un style assez particulier dont je n'ai pas l'habitude qui se veut saccadé et décousu afin de rendre de retranscrire au mieux les pensées de l'héroïne.

Il pleut. Quand il pleut, le chagrin s'entasse. L'entassement est un concept qui me répugne. Je lui trouve un aspect gras, sale. Aujourd'hui j'attends quelqu'un. Il ne vient pas. Peut-être attend-t-il la soirée. Les soirées sont froides pourtant. Mais la nuit est plus romantique. Je pense. Il n'est pas romantique. Ce n'est pas un rêveur. Quand il pose son regard sur moi je ne ressens rien. Que du mépris. Je sais que lui non plus ne ressent rien. Mais il ne me méprise pas. Enfin, qu'en sais je. On se connait peu. Il croit que je m'appelle Anne. Moi, je connais son vrai nom. Son nom, je le trouve beau. Je le prononce avec une douceur qui l'émeut parfois. Parfois car ce n'est pas un romantique. Je sais qu'il pense souvent à moi. C'est réciproque. Après tout, on s'aime bien. Nos nombreux rendez-vous nous ont lié d'une certaine affection. L'affection est en l'occurrence amicale. J'aimerais bien l'aimer. Si je l'aimais je m'abandonnerais à lui avec plus de passion. Pour moi, ses impassibles caresses prendraient du sens. Il m'a déjà demandé si je pourrais un jour l'aimer. J'ai répondu que non. Il n'avait pas l'air déçu. Je hais la fierté masculine. Elle s'exprime toujours quand il ne faut pas. Elle me répugne. Il en a beaucoup même si je me suis habituée. Il me dit qu'il se soucie beaucoup de son physique. Malgré son visage anguleux il est très beau. Il ne se plait pas. Je lui dit ce que je pense. C'est ce qu'il veut entendre. Pour que je continue, il s'enfonce davantage. Ca m'agace. Moi, il dit qu'il me trouve jolie. J'aurais préféré qu'il dise "belle". Jolie c'est pour les fillettes ou les prostituées. Je ne suis ni l'une ni l'autre. Je suis une intellectuelle. En somme, une femme bien singulière. Une fois, il m'a dit que j'étais simple. Je me suis vexée. Il s'est excusé.

On sonne. Il est là. Je repose le verre de gin sur la table en verre à côté de mon fauteuil. Dans la pièce, le miroir fait face à la bibliothèque. Elle est à côté du porte-manteau près de la porte. A côté de la porte, dans la diagonale de la bibliothèque, mon fauteuil. Dessus, moi. Je me lève. Je lui ouvre. Il m'embrasse. Il entre. Après une heure de discussion, je l'invite à partir. Il ne comprend pas. Je lui dit que j'ai oublié d'annuler mon rendez-vous chez le médecin. Il ne m'embrasse pas. Il s'en va. Je l'accompagne jusqu'à la porte. Il la ferme lui-même. Je m'en veux un peu.

Je suis devant la porte. De l'autre côté j'entends un bruit métallique. Puis des pas. La poignée se tourne et la voilà. Elle porte un chignon bas. Elle a un look très strict. Mais un peu aguicheur. C'est une femme froide. Un peu dépressive. Mais elle est jolie. Jolie comme il le faut. Une femme bien faite. La robe rouge qu'elle porte lui va très bien. Cette couleur est excitante. Je la regarde longuement avant de dire quoi que ce soit. Elle sourit à peine. Je la dérange. Je l'embrasse. Je crois que ça la gêne. On discute un peu, assis sur son canapé. Sur la table, des antidépresseurs. Et du gin. Je crois qu'elle boit beaucoup. Peut-être trop. Elle est blême, mélancolique. Elle regarde par la fenêtre. Il pleut. Au bout d'une heure, elle me dit qu'elle a un rendez-vous qu'elle a oublié d'annuler. Je la dérange. Elle s'excuse. Je m'en vais. Pourquoi ? Qu'a-t-elle aujourd'hui ? Peut-être qu'elle attend quelqu'un d'autre. Elle m'exaspère. Elle et sa fierté de femme qui a fait des études.

Tôt dans la matinée, il pleuvait déjà. Après s'être péniblement levée, les yeux tout embués, elle s'habilla. Le deuil. Le noir. En deuil de qui ? De son oncle. Elle ne l'a pas connu. Ce sera du rouge. Une robe en soie. Quelle merveille que cette matière. Après avoir machinalement avalée deux tartines grillées, elle s'assit devant la fenêtre. Elle songea au plaisir que son amant lui procurait en lui faisant l'amour. Mais ça s'en tient là. Ca ne lui suffit pas. C'est une idéaliste. Une grande romantique. Une illuminée qui se meurtrit toute seule. Il devrait venir ce soir. Elle en aime un autre. Elle pense à l'autre avec une cruelle déréliction. C'est lui qu'elle veut. Elle ne l'a pas. Elle pleure. Mais elle est forte et se reprend. Elle se redresse spasmodiquement et se dirige vers le bar. Armagnac, Rhum, Whisky. Non, gin. Elle saisit la bouteille. Elle est vide. Elle en prend une autre. Demi vide. Il est trop tôt pour boire. Elle la repose dans un élan de conscience médicale.

Qui? Une femme. Et un homme. Ou deux. Et de l'alcool. Où ? Dans le grisailleux 11eme arrondissement de Paris. Dans un appartement chic. Quand ? En 1977. Pourquoi ?  Un héritage de ses parents. Quoi ? Une histoire qui se voudrait être une histoire d'amour. Quoi ? La douleur, le désir, le désastre, le désarroi. Quoi ? La mort, l'amour, la joie, la colère, les pleurs, les rires, les hommes, la pluie. Quoi ? La solitude.

Journal amerWhere stories live. Discover now