L'Univers de Joy - Tome 2

16- La maison sur la plage

— JOY ! entends-je derrière la porte de ma chambre. OUVRE-MOI, BORDEL !

Je ne compte pas le faire. S'il y a bien une personne que je ne veux pas voir maintenant, c'est Bucky. Hors de question. J'avais confiance en lui, il a trahi cette confiance. Il connaissait mon père et il ne me l'a même pas dit. Qu'est-ce qu'il croyait, qu'aller le voir sans me prévenir était la chose à faire ? Que ça allait m'aider, d'une manière ou d'une autre ? Il s'est trompé, il s'est trompé sur toute la ligne. Même s'il a fait ça en pensant m'aider, ça ne change rien à ce que je ressens. Je suis en colère contre lui. Très en colère. Trop en colère pour discuter.

— SI TU N'OUVRES PAS, JE DÉFONCE LA PORTE ! JE TE JURE QUE JE VAIS LE FAIRE ! JE...

Bucky s'arrête de geindre une fois que j'ouvre la porte d'un coup sec. Je ne prends pas le temps de le regarder cependant, et retourne m'asseoir près du bureau devant la fenêtre.

— Joy bordel, continue-t-il, j'ai pas fait ça pour te blesser ! ECOUTE-MOI !

Ses yeux sont noirs de colère et les veines de son front ressortent avec force. Il parle d'une voix tellement colérique, tellement enflammée que cela me fait quelque chose, dans le ventre. Je n'ai pas peur de lui, ce n'est pas ça. Mais il y a quelque chose chez lui, cet instinct...

Bucky se rapproche de moi et pose avec colère ses mains sur le haut de ma chaise. Ses deux bras me coincent et m'empêchent d'aller où que ce soit. Dans cette position, je ne peux rien faire d'autre que le regarder dans les yeux. Je peux voir ses lèvres bouger au rythme de ses respirations, fortes et saccadées, et sa mâchoire se serrer.

— Maintenant, reprend-il en parlant lentement, écoute-moi bien. Si tu ne veux pas avoir affaire à moi, c'est ton problème et c'est ton choix. Mais ton père... ton père, c'est pas un gentil. Et il ne te veut certainement pas du bien. Alors arrête de le chercher, et fuis-le plutôt.

Je regarde alors Bucky les sourcils légèrement froncés et les yeux plissés. Ensuite, j'avance légèrement mon corps dans sa direction jusqu'à placer mon visage à quelques centimètres du sien.

— Tu peux dire ce qui te chante, lui dis-je alors en murmurant, je m'en fiche. Je ferai absolument ce que je veux, même si ça ne te plaît pas. Que tu aies cru que c'était une bonne idée est juste une preuve de plus : tu ne comprends rien à rien. Tu ne me dois pas ça, Barnes. Tu ne me dois rien du tout.

Après ça, Bucky recule de quelques pas, baissant les yeux sous le coup du choc. Il relève ensuite la tête et alors son regard est très facile à interpréter. De la colère. Mais aussi de la tristesse.

— Tu n'arrêtes pas d'agir comme si tu te foutais de rien, reprend-il alors, mais je sais que c'est faux. Je n'ai pas oublié, Joy, et je n'oublierai jamais ce qui s'est passé dans ce repère à Brooklyn. Ce que tu as dit, ce que tu m'as fait dire...

— De quoi tu parles ?

Alors, Bucky me regarde avec incompréhension, comme si la réponse à ma question était évidente. 

— La maison sur la plage, me jette-t-il à la figure, voilà de quoi je parle !! De la maison sur la plage, et des enfants, et... Bordel Joy, j'ai cru qu'on avait dépassé le stade du « on n'est pas ensemble » depuis ce jour-là !

— Eh bien tu t'es trompé, lui dis-je en secouant vivement la tête. Tu ne..

Je m'arrête au milieu de ma phrase car à nouveau, Bucky s'approche de moi et me force à le regarder.

— Tu m'as fait dire toutes ces choses, Joy ! On a parlé d'avoir un avenir ensemble !

— JE CROYAIS QUE J'ALLAIS MOURIR !

Cette fois, le silence. Rien de plus, rien de moins que le silence. Bucky me regarde et je vois quelque chose d'horrible : la lueur a disparu. La belle, la brûlante lueur que je voyais dans ses yeux n'est plus là.

Après quelques instants, une minute ou peut-être deux pendant lesquels nous restons l'un en face de l'autre sans nous regarder, tout est terminé. Bucky repasse devant moi pour se diriger vers la porte, sans un regard, sans un mot. Il ouvre la porte, sort de la chambre, et disparaît dans la nuit étoilée.