Chapitre 2 - Tout quitter

445 75 13
                                    

J’observe Salomé zigzaguer à travers la foule qui arpente les trottoirs sur Prince Street dans Manhattan. Assise en terrasse, je bois une dernière gorgée de l’expresso que j’ai commandé tout en lorgnant, une dernière fois, l’enveloppe que j’ai posée sur la table.

─ Hé, c’était quoi ce message mystérieux au milieu de la nuit ? J’ai tout de même remonté mon réveil, mais ça m’a pas mal interrogée, tu te doutes bien, lance-t-elle à peine arrivée à ma place.

Je me lève et la serre brièvement dans mes bras avant de retrouver mon siège tandis qu’elle tire une chaise en face de moi et s’y installe.
Salomé est de ces femmes qui ont un style à part, mais qui fonctionne à merveille. Petite brune aux yeux d’un marron doux et des taches de rousseur parsemant son teint légèrement halé, elle arbore une coupe au carré qui la sublime et n’omet jamais d’agrémenter ses lobes de boucles toujours énormes, mais splendides, en totale alliance avec l’éclat pétillant qui émane d’elle.
Posant une main sur l’enveloppe, je la fais glisser jusqu’à elle lui faisant froncer les sourcils.

─ De quoi s’agit-il ?
─ Ma lettre de démission, dis-je sans préambule.

Elle se fige quelques secondes avant de laisser ses yeux se poser dessus.

─ Je savais bien que ça finirait par arriver, soupire-t-elle en pinçant ses lèvres pulpeuses dans une moue peinée.
─ Je suis désolée de t’abandonner. C’est bien la seule chose qui me déprime en quittant ce job. J’ai tenu autant que j’ai pu et tu le sais parfaitement. J’espère seulement que ma remplaçante sera géniale et que tu t’entendras à merveille avec elle.
─ Je l’espère aussi, mais… tu es sûre d’avoir pris la bonne décision ?
─ Je crois n’avoir jamais été aussi sûre de moi qu’en cet instant. Même si ça me fait peur, je dois bien te l’accorder.
─ Oui, je comprends. Mais tu es un sacré élément pour n’importe laquelle entreprise qui t’embauchera. Ne l’oublie jamais, Megan. Le problème vient d’Anders, maudit soit-il, et nullement de toi. Je sais combien tu t’investis dans un boulot et la qualité de ce travail, alors ne te laisse jamais plus marcher sur les pieds. Que cette fâcheuse expérience avec un patron digne du diable te serve de leçon afin de ne laisser personne d’autre se conduire de la sorte avec toi. Fini de se laisser marcher sur les pieds. Un peu, ça passe, mais dans ta situation, ça non. Plus jamais. OK ?
─ Oui, tu me peux me faire confiance pour ne plus accepter ça de quiconque.
─ Parfait. Sinon, quant à toi, comment tu vas ? Parce que j’imagine que ça peut remuer une telle décision.
─ Ça va. Et pour être tout à fait honnête, je suis aussi hâtive de me lancer sur la suite de ma vie qu’effrayée par ce que ça représente.
─ Oui, bien sûr, faire le grand saut dans l’inconnu ça a ce quelque chose d’effrayant, mais dis-toi que tu ne trouveras jamais pire situation que la tienne. En termes de relation entre patron et employé, je veux dire. J’espère juste que tu trouveras une place avec un patron en or.
─ On verra bien. Mais je ne me remets pas tout de suite sur le marché. J’ai décidé de prendre du temps pour moi avant de me lancer dans pareilles recherches. C’est vital, j’ai besoin de prendre l’air un moment. On verra plus tard lorsque je me sentirai prête pour remonter en selle.
─ Oui, c’est compréhensible après tout ce que tu viens de traverser.

Je passe sous silence les réelles pensées qui m’ont assaillies la veille, car je ne veux pas l’inquiéter plus qu’elle ne l’a été durant toutes nos journées de boulot ces derniers mois. Salomé n’a besoin que d’être rassurée quant au tournant de ma vie.

─ Prends du temps que je puisse te revoir sourire.
─ Promis.
─ Je t’avertis : promesse tenue !
─ Ne t’en fais pas. Désormais loin d’Anders et associés, le sourire ne va pas tarder à revenir au galop.
─ J’aime te savoir si déterminée et ça me soulage. J’ai confiance en toi, Megan, donc en cas de doute, n’oublie pas de te faire un peu plus confiance. Suis ton instinct. Tu sais ce qu’on dit : c’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire ; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter ; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse.
─ Victor Hugo.
─ Exact ! Tu vois, tu es calée en bien des choses et tu le sais parfaitement, alors ne laisse pas toutes ces hésitations qu’Anders a fait naître dans ton esprit t’empêcher d’avancer alors que tu étais une jeune femme confiante.
─ Ouais, soufflé-je.
─ N’hésite pas à me passer un coup de fil en cas de coup de mou et à lorgner sur internet toutes ces proses philosophiques qui peuvent t’aider à passer outre.
─ Je ferai aussi ça.
─ Bien. Maintenant que tout est dit et que je suis tranquillisée, parce que oui, ton message à pas d’heure me demandant de me lever en avance et venir te retrouver ici avant le boulot, m’avait assez chamboulée.
─ J’imagine. Désolée pour ça.
─ Non, tout va bien, ne t’en fais pas. J’ai hâte de voir la tronche que Wyatt Anders va tirer. Je peux te garantir qu’il ne remettra plus la main sur une assistante telle que toi. Personne d’autre ne supporterait de devenir un souffre-douleur et je suis hautement satisfaite que tu l’envoies paître.
─ Il va à coup sûr me passer un coup de fil m’injuriant de cesser ce caprice.
─ Ne lui réponds pas ou fais-le, mais reste ferme et coupe court.
─ Je verrai bien sur le moment.
─ Dieu ce que tu vas me manquer, déclare-t-elle en posant sa main sur son cœur.

Andy, je dis oui ! (Terminé)Where stories live. Discover now