Chapitre 33 - Qui croire ?

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Quand Alisée approcha le grand hall du palais, après qu'un domestique l'ait informée de l'arrivée des quatre loups-garous, des éclats de voix assaillirent ses oreilles :

— Je ne comprends franchement pas pourquoi tu l'as invitée ! Elle va se mettre à pleurnicher dès que je vais avoir le malheur de menacer un peu trop rudement un prisonnier !

La belle vampire attendit avant de s'engager dans l'un des deux grands escaliers qui menaient jusqu'au bas du hall, où se trouvaient Isabella, son père, ainsi que Duncan, le garde royal aux cheveux bruns. Ce qui l'intrigua ne furent pas les propos de la princesse — elle avait cru comprendre depuis un moment qu'elle ne régnait guère dans son coeur — mais la manière dont elle s'était exprimée.

Aucune inflexion enfantine et espiègle n'habitait sa voix, si bien que la réserviste ne l'avait pas tout de suite identifiée. Elle lui croyait pourtant cette intonation légère naturelle, or apparemment, rien n'était moins sûr...

— C'est elle que les loups ont attaquée, j'estime qu'elle a le droit d'assister à leur interrogatoire, lui répondit calmement Adrian.

— Oh, ta bonté m'étourdit, papa chéri, maugréa Isabella. La prochaine fois, je dirai aux toutous d'attaquer Branwell, on verra si tu lui demandes de nous faire la grâce de sa présence...

À la grande surprise d'Alisée, elle entendit le garde lâcher un gloussement rauque. Pas la moindre réprimande ne lui tomba dessus. Bien qu'étonnée qu'une telle familiarité demeure impunie, elle ne resta pas dans l'ombre plus longtemps et s'approcha de l'escalier le plus proche. Elle dévala les marches dorées en soulevant les pans de sa robe bleu foncé très sobre, parfaitement adaptée pour une sinistre visite aux cachots. Les trois immortels se tournèrent vers elle à l'entente de ses pas.

— Eh bien, nous avons failli vous attendre ! s'exclama la princesse, son ton léger habituel revenu. Laissez-moi deviner, vous vous étiez encore perdue dans l'un de vos livres ?

Son père lui jeta un regard mi-accusateur, mi-gêné, qu'elle ignora royalement.

— Plutôt dans les couloirs, Votre Altesse, précisa tranquillement l'interpellée. J'ai toujours du mal à m'y retrouver.

Mais Isabella s'était déjà désintéressée d'elle, partie en direction de l'un des corridors. Son garde prit le temps d'adresser un hochement de tête respectueux à la nouvelle venue, puis suivit la silhouette fantomatique.

— Vous vous êtes remise de vos exploits d'hier soir ? lui sourit malicieusement Adrian, quand elle arriva au pied des marches.

Elle se mordit la joue. La veille, alors qu'elle dansait avec Danila jusqu'à ne plus tenir debout, ses yeux avaient plusieurs fois rencontré ceux du roi, resté en retrait au bord de la piste. Leurs regards n'étaient pas passés inaperçus auprès de l'ancienne louve, qui ne s'était pas gênée pour adresser des haussements de sourcils évocateurs à son amie, au grand désarroi de cette dernière.

— Le vampirisme a au moins l'avantage de guérir miraculeusement les ampoules... Par contre, j'ai l'impression d'avoir encore je ne sais combien de musiques dans la tête.

Quoiqu'elles soient idéales pour la danse et bien plus agréables à entendre que les autres, les compositions des Dorémi Horizons paraissaient ancrées au fond de ses oreilles. Si elle n'avait pas été à ce point fatiguée, elle n'aurait sûrement même pas pu trouver le sommeil !

— Ne m'en parlez pas ! s'exclama Adrian. C'est justement pour cela que j'ai empêché Isabella d'ordonner la reformation du groupe. Lorsqu'ils venaient en personne, c'était encore pire...

— Et je ne te l'ai toujours pas pardonné ! s'écria la princesse, hors de leur vue. Comptez-vous vous dépêcher, ou attendre la prochaine pleine lune ?

Sang de Rose [TERMINÉ]Where stories live. Discover now