Poliroid (Bigflo & Oli)

51. « Un été ensemble »

Je suis assise sur le matelas de ma couchette, les pieds pendant dans le vide. L'agitation dans le bus est à son comble. Nous sommes sur le départ, et chacun est excité. Les garçons, parce qu'apparemment l'ambiance lors des festivals est différente qu'en tournée, tout comme son public. C'est aussi l'occasion de faire découvrir leur musique à un nouveau public.

Juste au-dessus de moi, Agathe ne cesse de se tourner encore et encore afin de trouver une position confortable.

Lorsqu'elle est montée dans le car, elle a reçu des regards curieux de l'équipe de merchandising mais aussi de l'équipe technique qui rangeait son matériel dans la soute de l'autre bus. Qui prend autant d'affaires pour faire une tournée des festivals mis à part la petite blonde ? Heureusement, l'organisation de Chloé et les capacités de Florian pour jouer à Tetris nous ont permis de tout ranger, sans devoir dire à mon amie de ramener des affaires chez elle.

— Tu penses qu'on va toujours devoir rester avec le staff ou qu'on aura des sortes de quartier libre comme en voyage scolaire ? me demande-t-elle, couchée sur le dos, les mains derrière la tête.

Je tends la tête vers le haut, dans le but d'apercevoir ne serait-ce que ses cheveux.

— Tu espères pouvoir t'échapper et faire du tourisme ? je réponds, un léger rictus sur les lèvres.

— S'échapper ? reprend Florian qui vient de faire son apparition dans le dortoir. Tu vois cet été comme un séjour en prison ou...? Je veux bien savoir ce que tu as pu faire pour mériter une telle punition.

— L'intimité, ça t'évoque quelque chose ? lâche Agathe en se redressant autant qu'elle le peut.

— Oui, mais tu apprendras rapidement qu'ici c'est quasiment inexistant.

Je suppose qu'elle se contente de lever les yeux au ciel, car elle ne lui fournit aucune réponse. Cependant, je suis intriguée par cette soudaine tension entre eux. Lors du concert de février, ils semblaient s'entendre plutôt bien et depuis que nous sommes arrivées, mon amie ne cesse d'être froide. Uniquement avec lui. Il y a encore une demi-heure elle riait et discutait avec Léo et Benji. J'ai probablement loupé un épisode et si moi je suis toujours contrainte de parler, Agathe, elle, se fait plus discrète sur sa vie privée et ses fréquentations. Fréquentation d'ailleurs. Auraient-ils continué à parler depuis février, via les réseaux ?

— Je suppose que ceci signe un arrêt imminent de cette conversation, soupire le garçon.

Juste après, il tourne les talons et rejoint les autres dans la partie séjour du bus.

Je me laisse glisser de ma couchette et me redresse sur le sol pour me retourner et avoir un aperçu sur la jeune femme. Je dois lever la tête afin de l'entrevoir. Elle est dos au matelas, maintenue par ses coudes sur lesquels elle prend appui et fixe droit devant elle.

— Tu ne trouves pas qu'il fait froid ? je remarque.

— Au mois de juin, à Toulouse ? Tu as attrapé un rhume toi, parce que je t'assure qu'il fait bon dehors et qu'on ne va pas tarder à étouffer ici.

Visiblement, elle n'a pas compris le sens de ma remarque.

— Froid entre deux individus, si tu vois où je veux en venir.

— Je ne te suis pas vraiment, non.

Elle est clairement fermée à la discussion, mais son attitude me pousse à vouloir en savoir plus. A moins qu'Agathe ne se rende même pas compte que son ton était froid. Quelque chose la tracasse probablement et j'ai dû me faire des films en imaginant que cela avait un lien avec Florian. Quelque chose qui se serait produit entre notre arrivée au point de rendez-vous et maintenant.