0. Prologue

583 34 96
                                    

Suède, 1848

Une vie en échange d'un rêve.

Les choix, parfois, entraînent de lourdes conséquences. L'excuse de la misère justifie-t-elle à elle seule cette décision dénuée de bon sens ? Sven Parson a retourné la question dans sa tête, à maintes reprises, encore et encore, telle une gangrène indélébile. En ce milieu de journée, le froid se retrouve amplifié par un vent glacial. Les yeux du père de famille piquent. Il tient sa fille de deux ans bien contre lui, emmitouflée dans une épaisse couverture. Son regard se porte sur elle, sur ce petit être sans défense. Quelques mèches blondes s'échappent de son bonnet. Mickaella dort et ressemble à un ange. Si elle savait, la pauvre. Il ferme les yeux, puis serre la mâchoire.

La folie a ses raisons qui inhibent la douleur. Son cœur s'accélère. La charrette du marchand longe une allée de résineux située sur la gauche du chemin. Goteborg se dévoile alors en contrebas avec une sensation d'amertume. Il peut encore tout arrêter, là, maintenant.

Une vie en échange d'un avenir meilleur.

Quelques instants plus tard, ils atteignent la grande ville. Le fleuve Gota Alv, contenu dans un canal de type Hollandais, expose toute sa splendeur. L'architecture des landshövdinge* se reflète à la surface de l'eau calme, troublée par la naissance de piètres ondulations par endroits. Les dernières bâtisses en pierres, témoignages d'un historique ravagé par les flammes* jusqu'au début du siècle, dévoilent des poutres apparentes de couleur sombre au niveau des fenêtres. D'un coup, les corps sont secoués, car les grandes roues en bois sont mises à rude épreuve sur le trajet pavé et désert. La gorge de Sven se noue.

Une vie en échange d'une folie.

— Hooo, s'écrie le marchand.

La jument s'arrête à quelques encablures de l'hôtel. Swen hésite encore une fraction de seconde à descendre de la charrette, puis s'y résigne. À chaque contact avec la route, les sabots sonnent tels des pics d'une dernière chance. Sven a le cœur lourd.

— Merci, Ralf. Tu m'attends ?

— Pas de soucis mon ami, comme convenu.

— Tu dois penser que je suis un monstre ?

Comme si la couleur de la vérité se formule en quelques bribes de mots d'un ami. Des paroles rassurantes peut-être, afin de justifier d'une manière quelconque ce qu'il s'apprête à faire.

— Je ne juge pas Swen, je ne juge pas, et je peux comprendre votre choix à toi et Margaret. Regarde autour de toi, y a que de la misère ici.

L'homme barbu acquiesce, échange un regard avec sa petite, puis arrange la couverture sur sa tête. Une larme fuit sur son visage, il l'essuie tout de suite. Les quelques minutes de marche jusqu'à l'hôtel, où se trouve l'homme d'affaires américain, sont un supplice. Son rythme cardiaque cogne fort dans sa poitrine.

Une vie pour s'arracher à cette misérable existence.

Il ne doit pas s'arrêter. La cadence des pas s'accélère, afin d'en finir une bonne fois pour toute. Le père Parson voit l'hôtel de luxe. Tandis qu'il s'immobilise, la petite main agrippe la sienne. Elle cligne alors de ses grands yeux bleus, baille, puis sourit.

— Papa.

Il déglutit. Un haut-le-cœur survient, ce qui ne l'empêche pas de reprendre son périple. Il passe la porte d'entrée, où une clochette annonce son arrivée, puis pose sa fille et récupère la couverture. Maintenant debout, il la prend par la main. Le regard de Mickaella s'émerveille devant tout ce luxe. La température est agréable. Le réceptionniste les regarde de haut en bas, presque avec dédain. En ce lieu, seules les personnes aisées sont admises. Swen s'avance vers lui.

Cowboy Jenny (En Réécriture)Where stories live. Discover now