Il repose la lampe ensanglantée sur mon oreiller, déclarant simplement voilà ce que tu me fais faire.
Je saute par la fenêtre cette nuit-là, pensant mourir, n'étant pas effrayée par l'idée -pour maladivement survivre.
C'était à l'époque et c'était hier, et ce sera tout le temps finalement.
J'ai du mal à le savoir, de plus en plus le souvenir se liquéfie dans mon cerveau et descend dans le reste de mon corps, pour se muer en simple sentiment faisant sa place parmi les autres.
L'eau du bain, qui s'est refroidie, crache un nouveau souffle, engloutit encore la pièce. Je me dis que je devrais faire quelque chose mais je n'y arrive pas.
Et je me dis que personne ne m'aura, au moins, lorsque je mourrais. Voila le contentement que cela m'en donne - lorsque je mourrais, personne de mort ou de vivant, aucun homme, aucune femme, pourra me toucher, ou m'habiter - tous les lits bâtis dans ma chair vont s'écrouler en même temps que moi, et je serais protégée d'un cercueil dont personne ne veut. La bête de mes entrailles, qui brise les vitraux et les hommes, s'endormira avec moi après tout. Ce sera une ultime façon de dire au prêtre, à l'homme, à Maman 'voilà ce qu'il advient de toutes les barrières, de toutes les protections et la haine et l'amour- elles disparaissent avec moi et vous ne pouvez rien y faire. Bientôt ce sera votre tour, et le tour de tous ceux d'après, et toutes vos religions et vos corps et vos puissances ne seront que des enfants chétifs, pire, des insectes, face à l'oubli, et toutes ces vies auxquelles vous vous êtes accrochés comme des mollusques cruels seront emportées par une marrée superlative qui ne sait pas qui vous êtes et ne veut pas le savoir. '
Voilà, en mourant, j'enterrerais toute la violence du monde qui m'a habitée trop longtemps. Le vitrail. La robe blanche de Maman. Le jus de fruit. La lampe. Le corps de mon amie qui était devenu le mien.
Et je me demande si je ne suis pas, justement, en train de mourir. La fatigue tente mon corps et l'aime jusqu'à ce qu'il s'endorme, doucement, mon menton balbutie dans l'eau, mes yeux flirtent avec l'obscurité, et l'eau semble se rassembler autour de moi, pour m'emporter en une dernière vague, douce comme une étreinte.
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la plupart du temps je ne suis pas certaine d'exister
Short Story-et je me dis que personne ne m'aura, au moins, lorsque je mourrais.