Kitsune

Chapitre onze : La mélancolie d'un homme brisé

Des voix qui s'élevaient dans ces larges couloirs pour y former ce brouhaha habituel, ce méli-mélo de mots incompréhensibles pour l'oreille. Les conversations menaient bon train après ce retour de week-end. Les étudiants de l'université se racontaient avec énergie et joie les derniers événements passés dans leur vie à leur groupe d'amis. Puis, au milieu d'eux, ses écouteurs vissés dans ses oreilles, il zigzaguait entre chaque étudiant pour rejoindre sa salle de classe. Contrairement aux autres, son retour à la vie réelle avait été ponctué de larmes, de cauchemars incessants, soutenue par une tendre mélancolie qui l'accompagnait depuis maintenant deux mois. Malgré ses sourires et ses paroles rassurantes, Izuku n'allait pas bien. Il ne parvenait pas à oublier la mort du Kitsune. Bien trop de ses questions restaient sans réponses et la seule personne qui pouvait permettre à son esprit de se détendre enfin n'était plus de ce monde. Le jeune homme passait ses journées à errer en écoutant de la musique, ignorant les appels de ses amis inquiets pour lui. Il s'était bien plus attaché à l'homme-renard que ce qu'il aurait cru. Absolument tout chez lui lui manquait, que cela soit ses grandes mains, ses yeux perçants, son sourire en coin ou tout simplement le son de sa voix. Elle était grave mais pourtant agréable à entendre. Il lui manquait. 

Arrivé au deuxième étage de son bâtiment de cours, Izuku se demandait encore si cela valait la peine de se rendre en classe. Il commençait à se poser des questions sur ce qui avait du sens ou non. Après le décès de son père, il avait eu énormément de mal à se reconstruire mais sa mère et ses amis avaient été là pour lui car ils pouvaient comprendre ce qu'il vivait. Néanmoins, la situation était différente. Ce n'était pas un être humain qu'il avait perdu mais un être mythique doté de pouvoirs fabuleux. Comment pouvait-il expliquer à ses proches qu'il était ainsi à cause du décès d'un démon renard au sourire d'ange ? Malgré la confiance qu'il éprouvait pour ses amis, la situation était bien trop étrange pour qu'elle soit racontée. Et puis, le contrecoup de la disparition de Pusuro après leur départ était l'amnésie dont souffraient ses amis. Aucun d'eux ne se souvenaient s'être rendu au village de son enfance. Pour eux, comme pour le Japon, Pusuro avait bel et bien été détruit il y a onze ans à la suite d'un tremblement de terre ravageur et meurtrier. Seul lui se rappelait de ce séjour qu'ils avaient passé ensemble là-bas. Ses amis étaient persuadés avoir séjourné un mois dans un village près des côtes Sud nippones. Izuku devait alors vivre avec sa tristesse sans pouvoir la communiquer à quelqu'un. Il se disait même qu'il aurait préféré oublier lui aussi, comme par le passé afin de faire taire cette tristesse. Cependant l'image du renard au milieu du pré près du village lui revenait toujours en mémoire. Comment pouvait-il oublier à nouveau un être qui avait tant sacrifié pour lui ? Izuku était persuadé que sa chute avait été précipitée parce qu'il avait usé de ses pouvoirs trop longtemps. Une question à laquelle il ne pouvait pas répondre car le Kitsune n'était plus. 

Planté devant la porte de sa salle de classe, Izuku fit demi-tour. Il sentait ses larmes pointer à nouveau le bout de leur nez. Izuku savait qu'il ne pouvait pas continuer à fuir certaines heures de cours au risque de ne pas valider son semestre, mais c'était au-dessus de ses forces. Il sentait sa respiration brusquement s'accélérer, son estomac se tordre. Le monde autour de lui tanguait dangereusement et sa vue se brouillait à mesure qu'il marchait vers la première cage d'escalier qu'il pouvait apercevoir. Et sans qu'il ne puisse lutter contre cela, Izuku s'écroula sur le sol, inconscient. 

Son corps était amaigri, ses joues creuses sans compter ses cernes noires sous ses yeux verts. Le jeune homme était épuisé. Il ne dormait plus. Ses nuits étaient hantés par le souvenir du renard. Il se remémorait sans cesse sa mort de façon différente, son subconscient lui créant un destin toujours plus horrible que le précédent. Et tandis qu'il était transporté en urgence à l'hôpital après un énième malaise en seulement quelques jours, Izuku se mit à rêver.