Olympia

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À KUCHEL ACKERMAN, the beloved mother








Les cris étouffés et libérateurs d'un nourrisson percerent la nuit éternelle qui couvrait les bas-fonds.

Strident, brusque. La femme aux cheveux sales et bouclés, qui tenait le nourrisson humide dans ses bras, pesta face à ses hurlements incontrôlés. Elle chassa la fumée de la cigarette qui pendait de ses lèvres, attrapant à la volée un vêtement assez lourd - où un chiffon, on ne faisait pas la différence, ici - l'emmitouflant approximativement dedans.

La femme haletante et en sueur sur le lit, dont les cheveux corbeaux collaient à son front face a l'effort, avaient fermés les yeux en souriant. Elle ignorait la douleur qui lui découpait minutieusement le vagin. Elle buvait, appréciait ses cris tandis qu'il résonnait en elle. Si pour Lucie, les plaintes du bébé n'étaient que des braillements bestiaux et irritants, pour Kuchel Ackerman, ses cris étaient un chant religieux, quelque chose annonciateur d'une ère nouvelle. Ses cris, aussi puissants soient-ils, étaient la preuve d'un miracle. Ils la rassuraient.

S'il était capable de hurler, c'est qu'il était vivant.

Son fils était vivant.

Il était rare que les naissances soient réussies, dans les bas-fonds, et cela était compréhensible au vu des précautions hygiéniques inexistantes que l'on prenait pour faire accoucher une femme. Preuve était que la rousse qui tenait actuellement son enfant, avait toujours son cigare allumé au dessus de lui, l'odeur âpre du tabac s'insinuant dans les poumons gourmands d'air de Kuchel. Elle sentait aussi sous elle que le matelas semblait humide, et avait pu voir dans quelques coins de la pièce la moisissure grignoter les murs avec gourmandise. Une effluve nauséabonde pesait d'ailleurs sur elles et avait accentué les nausées dont elle était victime.

Pas de désinfections, pas de matériel aseptisé. Le bébé, à peine né, était déjà la proie des microbes et des bactéries qui imprimaient l'air et les meubles. Le sang poisseux de la nouvelle maman tachait le drap miteux dont on avait couvert le lit. Il faisait froid. Le tabac dévorait le peu d'air sain.

La tête douloureuse, bourdonnante, le corps en lambeaux, elle puisa en elle la force de tendre les bras vers son amie, dans un gémissement qu'elle avait tenté de faire comprendre comme étant des paroles. Elle voulait le voir, son cœur explosait déjà de savoir qu'il était bien là, enfin. Était ce une fille, un garçon ? Pouvait-il la voir ? La sentir ? Devait-elle le nourrir maintenant, ou attendre ? Tant de questions dont une mère aurait toute les réponses une fois qu'elle l'aurait contre son sein.

- Le voilà, ton rejeton. Lucie lui offrit son fils, sa cigarette fumante toujours à la bouche, essuyant ses mains sur les bas de sa robe en haillons avant de se retirer dans un coin de la pièce. De loin, et en silence, elle regarda son amie poser des yeux fatigués mais lumineux sur son fils.

Olympia ᵏᵘᶜʰᵉˡ ᵃᶜᵏᵉʳᵐᵃⁿWhere stories live. Discover now