mmm... Moi?

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J'aurais JAMAIS pensé que la rencontre entre Sam pis moi serait aussi débile. Pas débile dans le sens de cave ou avec une déficience quelconque. Nenon, débile dans le sens de : comment ça se fait qu'on sort ensemble maintenant ?!?

Faut que je mette une chose au clair avant de commencer.

J'aime pas les gens. S'ta dire que, oui. J'aime des gens, mais pas tous les gens. Ça me vient pas naturel, en vrai, d'apprécier les humains. Ils sont tous un peu bizarres. Certains te regardent fixement comme si tu leur avais volé un bonbon, ou interrompent un ébat sexuel -c'est jamais full clair- d'autres crachent par terre et reniflent tellement fort t'as l'impression qu'il se remue le cerveau avec l'air. Ou encore ceux qui commencent à te parler comme s'ils savaient pas que c'était pas bien de parler avec des étrangers. Et ils ont jamais l'air de savoir quand s'arrêter.

Ils savent pas, eux, si je suis pas une tueuse en série ?! Ou moi si eux en sont ? En plus, qu'est-ce que j'en ai à câlisser moi de ton nouveau moteur dans ta tondeuse ? Euh-Rien.

Bref, l'humain c'est pas mon animal préféré... Mais je racontais la fois où j'ai rencontré mon chum ! Il faisait crissement chaud c'te journée-là. Faque: C'était un lundi, 28 août. Je me rappelle, j'avais écrit de quoi sur cette journée-là, avant de sortir aque Sam.

Sept heures quarante-cinq. L'autobus est presque rempli. Il restait un banc. Il ne reste plus un banc, seulement deux places. Je me suis assise le plus près possible du chauffeur. Le plus près possible de la porte. Ma tête est remplie du chemin que je dois prendre pour entrer au cégep. Terminus, traverse, petit sentier, escalier, porte, tout droit. Mon premier cours est juste à côté, à neuf heures quinze. J'aurai une heure pour vagabonder un peu partout. Si on enlève 'vaga' au mot vagabonder, il reste juste bondé, comme l'autobus. J'aime pas quand il y a trop de gens. Une bulle, un espace, qu'on me laisse respirer. J'ai l'impression d'étouffer. C'est un monde minuscule, centré vers un même centre de gravité, le monde dans lequel nous vivons est concentré, consterné, déconcerté, attristé, catastrophé! Nous sommes tous catastrophés! Qu'arrivera-t-il au monde après nous ? Qu'arrivera-t-il au monde si nous cessons d'exister? Nous en oublions nos questions fondamentales : qu'allons-nous manger pour dîner? La musique change, je suis presque arrivée. Je refais le chemin dans ma tête, je le connais par coeur maintenant. Mon cœur rayonne, je suis redevenue une enfant, encore une aventure à commencer.

Quelqu'un d'autre a tiré la corde jaune pour appeler l'autobus à s'arrêter. Liberté! C'est drôle. C'est drôle parce que le jaune c'est pas la couleur de la liberté. C'est la couleur vive, celle de l'ego, du mensonge, de la tromperie, de la traîtrise, mais pas celle de la liberté. Au fond ça représente bien les autobus. Je suis assise dans ma salle de cours maintenant, il est huit heures cinquante. La professeure est partie, on doit être six étudiants dans la classe en ce moment. Ils ont dit leurs noms... je les ai pas tous retenus, il y a Cédric-Emmanuel et une fille, Magalie je pense. Moi aussi, je me suis présentée, j'ai dit : «Moi, c'est Elsie.» et ça finit-là.

La fille assise juste devant moi m'a demandé ce que j'écrivais, j'ai pas vraiment su quoi lui répondre donc j'ai dit: «Bof, pas grand chose. Des idées...» et ça finit-là. Je sais pas vraiment ce que j'écris, ni vraiment ce qui me pousse à l'écrire. J'écris parce que ça me permet de rester moi... J'écris parce que sinon, j'exploserais. L'écriture fait partie de moi, elle me complète. J'écris parce que sinon, je ne sais plus quoi faire. J'écris parce que l'écriture, c'est ma vie. Je suppose que c'est ce que c'est ça, pour moi, l'écriture.

C'est la pause maintenant. Je n'ai rien à faire maintenant. Maintenant. Main tenant. Tenant main... il suffit d'un espace et le mot change complètement. Tenant main je n'ai rien à faire. Autour de moi, les étudiants bourdonnent, très peu parlent les uns aux autres, nous restons cloîtrés sur nous-mêmes. La professeure a parlé des dieux grecs et une fille s'est empressée d'étaler ses connaissances là-dessus. Le monde est bête, si tu ne maîtrises pas ton sujet, tu ne parles pas. Il y a peu de gens dans la vie qui comprennent, je préfère rester seule dans mes silences plutôt que d'avoir l'air d'une idiote. Pierre Lapointe à un jour sagement écrit: «Les hommes ici n'arrachent pas beaucoup, ils viennent au monde, c'est même banal.» Il n'aurait pas su mieux dire.

Et puis y'a MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant