Chapitre 4 : Enveloppe n°3 (partie a)

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PDV L :

Région de Patalla
Indes
Mai 1527

J'ai de nouveau croisé le fer avec elle.
Nous étions partis libérer les parents des enfants du village de l'emprise d'Ambrosius. Le plan était simple. Chacun connaissait sa tâche. Nous allions aussi libérer Athanaos, retenu depuis si longtemps par son « ami », alors qu'il était malade. Je faisais équipe avec Tao. C'était à nous que revenait la mission de sortir Athanaos de là. Tout ceci sans se faire alpaguer par des alchimistes, des gardes du radjah ou par ELLE.
Malheureusement c'est effectivement elle qui a surgi devant nous, de nulle part, sans que j'ai réussi à savoir comment elle avait pu nous retrouver dans le labyrinthe des couloirs du palais. Elle m'a provoqué avec son acidité habituelle. Mais je ne me laisserai pas avoir cette fois-ci. J'ai laissé Tao s'occuper seul d'Athanaos et j'ai répondu à sa menace. Le duel était engagé.
Cette femme ne recule devant rien. D'ailleurs, je pourrais l'appeler par son nom. Laguerra. Fille du Docteur Laguerra lui-même. Mais cette appellation me parait impersonnelle. Trop impersonnelle pour une adversaire de cette envergure. Elle mérite le respect qui va avec ses capacités.
J'ai vu la lueur inquiétante de l'autre soir briller dans ses yeux. C'était une sorte de rage. Mélangée à la détermination. Par avance, elle refusait de perdre le combat qu'elle allait mener. Elle a attaqué la première. Stupéfiante de force. Le choc du métal. Elle se déplace et contre-attaque à la vitesse de l'éclair. Je ne me laisse pas impressionner par la variété de son jeu, ni par ses remarques assassines. Elle cherchait à prendre l'avantage. Physiquement et psychologiquement.
Elle a sauté sur la rambarde et continué ses acrobaties et ses piques. Me sommant de me rendre. Jamais je ne lui ferait cet honneur.
Elle a sauté une nouvelle fois, pris appui sur mes jambes et déposé ses mains sur mes épaules. Nos regards se sont accrochés et nos souffles se sont mêlés le temps d'une respiration. Le temps semblait s'être figé. Son visage s'est détendu. La bulle s'est brisé quand elle a repris contact avec le sol. Dans mon dos. Et comme les vipères, a essayé de m'attaquer par derrière. Le duel avait repris, il fallait que j'oublie qui était en face de moi quelques instants. Le hurlement d'Ambrosius pour la rappeler à ses côtés m'a donné une chance de prendre l'avantage. Je l'ai saisie. Elle s'est retrouvée désarmée. Folle de rage, les poings serrés. Elle s'en voulait c'était évident. J'ai choisi de la piquer à mon tour. Elle a dégainé son fouet en lançant cette phrase qui résonne encore dans ma tête « mon maître ? Je n'ai pas de maître, señor Mendoza. Sachez-le ! ». Finalement elle était un électron libre. Et donc dangereuse. Je me devais de reconsidérer plus tard son statut et le rôle qu'elle jouait dans cette aventure...
Choqué, elle en a profité pour récupérer son épée et croiser son arme avec la mienne, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. J'ai détaillé ses traits. Je cherchais la faille. Ses yeux me sondaient aussi. Je pouvais sentir son regard fouiller mon âme. A nouveau le temps s'est suspendu. Et c'est à cet instant que les gardes du radjah sont intervenus. Pour l'arrêter elle. Ambrosius était tombé. Il prenait la fuite, lâche comme à son habitude.
Décontenancée, elle me fixait sans savoir quoi faire. J'ai choisi de la protéger comme elle l'avait fait l'autre soir. Je lui en ai fait part. Elle a prit la fuite pendant que je retenais les gardes. Ma dette envers elle n'existait plus. Les compteurs étaient remis à zéro. Ne rien devoir à l'ennemi, c'est la règle de base.
Ce duel était différent des autres. Mes sentiments personnels sont venus entraver mes gestes et l'issue du duel. Je ne comprends pas comment j'ai pu laisser mes émotions me dicter ma conduite. J'ai eu l'occasion de lui faire mal. Mais je ne l'ai pas fait. Car pour moi, elle n'est pas comme les autres. Elle n'est pas de ses adversaires qu'on détruit.
Par son indépendance, elle est dangereuse. Car elle ne défend que ses intérêts. Avant tout le reste. Mais il y a aussi ce je-ne-sais-quoi. Ce n'est pas pour Ambrosius qu'elle se bat au quotidien. Ce n'est pas pour lui qu'elle fait tout ça, son masque de glace rivé au visage. A ses côtés elle paraît vide de tout sentiment. Vide de sens. Emplie de questions et de doutes. Quand j'ai utilisé le mot « maître » pour qualifier Ambrosius j'ai vu l'ouragan se déchaîner et faire claquer la réponse qui s'en est suivie. A cet instant-là elle était plus vivante, plus sincère et plus dangereuse que jamais. Car le masque s'était fissuré. Et j'ai entrevu la tempétueuse personnalité de cette jeune femme stupéfiante. Sa vraie personnalité en fin de compte.

Capitaine Mendoza.

Sans prévenir, les larmes montèrent aux yeux de l'ancienne duelliste. Il avait cessé de l'idéaliser. Il avait cessé de chercher à la comprendre. Pour lui, elle n'était plus spéciale. Et il avait raison, elle n'est pas spéciale. En plus, il ne lui devait rien. Alors pourquoi se préoccuper d'elle ?
Mais de son côté, c'est son attention qu'elle avait cherchée, provoquée, à chaque coup. Ce qui lui avait pris pour de la colère ou Dieu sait quoi d'autre. Parce qu'au fond elle avait déjà commencé à s'attacher à lui. Elle l'admirait sincèrement. Pour ce dont il était capable de mettre en œuvre pour protéger les enfants et protéger ses amis. Il réussissait à s'oublier pour parvenir à ses fins. Et par loyauté aussi.
Ce jour-là elle lui avait envoyé de nombreux signes pour lui montrer qu'elle n'était ni méchante ni gentille. Mais qu'elle était perdue. Et qu'elle avait besoin de sa force pour se relever.
Mais lui avait choisi de la voir comme tout le monde le faisait. Il avait fait un choix de raison. Même s'il n'avait pas pu s'empêcher d'être gentil envers elle quelques fois. Contrairement à elle, il restait fidèle à ses valeurs et ne les trahissait pas.
Cependant son ambivalence de sentiments refaisait surface. Il voulait quand même lui laisser sa chance. Envers et contre toute conviction préalable. Un début d'attachement ?

A la lumière de tes motsWhere stories live. Discover now