1.3 : Chocolate Christmas

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☆ Gabriella ☆

La maison est toujours aussi bien décorée et l'ambiance familiale retrouvée chaque année. Mes grands-parents maternels sont là, les grands-parents de Logan aussi ainsi que ses oncles et tantes, et pour la première fois sans doute, je ne me sens pas comme la gamine au beau milieu des adultes. Ou moins gamine, en tous cas. Même si j'avoue qu'avec Wolvi, on fait un peu n'importe quoi, encore.
— Je t'interdis de faire ça, Logan Hunt ! le menacé-je, ma cuillère en bois pleine de chocolat à la main.
— Sinon quoi ?
Son sourire ne vole pas la vedette à la poignée de farine qu'il lève au-dessus du plan de travail alors qu'il utilise le plat à gâteau comme bouclier. Il est vraiment très classe, ce soir, même si son bonnet de Père Noël et sa jolie cravate rouge bardée de sapins qu'il peut allumer et faire scintiller le rendent un poil ridicule. Mais sa chemise blanche bien taillée et son pantalon qui moule tout ce qui doit l'être le mettent inévitablement en valeur et attirent le regard, non pour se moquer, juste pour admirer.
— Sinon ce soir, pas de chocolat chaud.
— Je suis chez moi, oh !
— Techniquement, tu es chez tes parents, continué-je en contournant le plan de travail, cuillère en avant telle une épée.
— Ne tache pas ma chemise !
— Je n'oserais pas, elle te va beaucoup trop bien. En fait, je visais un peu autre chose...
J'attrape son bouclier de ma main libre et lui colle la cuillère sur la joue, me retrouvant quasi instantanément couverte de farine. Mon regard alterne entre ma robe noire et son visage chocolaté tandis qu'il éclate de rire.
— Il a neigé sur toi, pouffe-t-il bêtement.
— Oh oui, il neige, t'as vu ça ? lui demandé-je en plongeant ma main dans le sac de farine pour lui en balancer en pleine tête.
Logan se met à tousser et me lance un regard noir, et c'est mon tour de rire en approchant à nouveau ma main du sac.
— N'y pense même pas ! crie-t-il en m'emprisonnant entre ses bras.
Je suis soulevée de terre en un rien de temps et fais moins la maligne quand il me colle contre le plan de travail, un bras m'emprisonnant toujours alors que sa main libre appuie sur ma tête pour l'approcher dangereusement du saladier de notre préparation.
— Arrête, arrête ! Fais pas ça !
— Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ?
— Oh, rien, Maman, Gabi a voulu jouer, elle va perdre, s'esclaffe mon meilleur ami sans lâcher sa prise.
— C'est pas vrai, vous êtes vraiment irrécupérables, tous les deux !
Nous pouffons comme deux imbéciles et je profite de l'inattention de Logan pour plonger une main dans le chocolat. Main qui atterrit évidemment sur sa bouille outrée.
— Ça, tu vas me le payer très cher, Gabi !
Je n'ai pas le temps de le voir venir qu'il attrape mon visage entre ses mains et vient le frotter contre le mien. La sensation de ses joues râpeuses sur les miennes ne couvre pas celle de la pâte à gâteau qui s'étale sur ma peau. C'est gras, froid, mais ça sent super bon.
— Je venais vous chercher pour faire la photo devant le sapin, soupire la mère de Logan, totalement dépitée alors que nous éclatons de rire à nouveau.
— Tu es superbe, Gabriella. Si tu veux bien me faire l'honneur de t'accompagner jusqu'au sapin, ricane mon meilleur ami en me tendant la main.
— T'es pas mal non plus, gloussé-je en glissant ma paume pleine de chocolat dans la sienne, ce qui le fait repartir de plus belle pendant qu'il m'entraîne jusqu'au salon.
La tête des invités vaut le détour. Cette année encore, le cliché ne sera pas parfait, et ce sera à cause de nous. L'an dernier, Logan a hurlé « oh putin, y a une souris ! » au moment du flash, et les parents ont tous l'air paniqué sur la photo. Il y a trois ans, j'ai fait péter des confettis, ce qui les a fait sursauter. Mais la plus belle, c'est celle qu'ils ont faite entre eux quand on avait six ans. On nous voit, Logan et moi, cachés en bas des escaliers, en pyjama, doudou à la main, alors que nous aurions dû être au lit. C'est ça, Logan et Gabriella. Des souvenirs impérissables, des rires à outrance, des bêtises sans jamais hésiter. Une âme d'enfants même encore aujourd'hui.
****
— Bonne nuit Gabi, me dit Logan en déposant un baiser sur ma joue alors que j'attends que mon père libère la salle de bain.
— Bonne nuit, Wolvi.
— Oh, arrêtez votre char ! crie mon paternel à travers la porte. On sait tous ici que vous dormez ensemble, ne nous prenez pas pour des imbéciles.
— Oh, non, je ne me permettrais pas, Monsieur, lui rétorque mon meilleur ami en pouffant.
— Mais bien sûr, continue mon père en ouvrant la porte. A d'autres ! Allez, bonne nuit, bande de menteurs fous.
Il m'embrasse et file rejoindre ma mère dans la chambre alors que Logan et moi nous observons, complices. C'est dingue que malgré l'éloignement et le manque de nouvelles, chaque fois que l'on se voit, c'est comme si jamais nous n'avions été séparés durant un an. Rien n'a changé entre nous, et ce malgré notre boulette juste avant mon départ. Enfin, la notion de boulette est discutable. Même si ce fut vraiment nul, il faut l'avouer, et que le malaise qui s'en est suivi est toujours imprimé dans mon cerveau, je crois que je n'aurais voulu partager ce moment avec personne d'autre. Il est celui en qui j'ai toujours eu le plus confiance. C'est sans doute le seul qui me connaisse réellement, qui sache ce qui se cache derrière l'humour, derrière la grande gueule et les pétages de plomb. A l'époque, il était le seul qui me faisait me sentir belle, le seul mec avec qui j'étais à l'aise.
— Je vais aller prendre une douche, j'ai encore du chocolat dans les cheveux.
— Ok. Je peux me brosser les dents avant que tu ne prennes la salle de bain pendant une heure ?
Bon sang, même à une heure du matin, il me cherche. Je me précipite dans la pièce et lui ferme la porte au nez.
— Prem's ! T'as qu'à attendre, ris-je en fermant à clé.
— Sérieux, Gabi ? Allez, ouvre !
Je ne lui réponds pas et me déshabille avant de me glisser sous la douche pour effacer les dernières preuves de nos bêtises du soir. Parfois, je me dis qu'il faudrait qu'on se calme, qu'on grandisse un peu, mais c'est tellement drôle, tellement rafraîchissant et presque rassurant, que je ne me vois pas être toute sérieuse avec Logan. J'aime notre folie mutuelle, tout simplement.
Le bruit de la porte qui grince me sort de mes pensées et je coulisse celle de la douche légèrement pour constater que Logan fait comme chez lui. Bon, techniquement, il est chez lui, mais passé ce constat, il abuse.
— Ne te gêne pas, surtout. Comment tu as ouvert ?
— Oh ça va, j'ai vu tout ce qu'il y avait à voir depuis longtemps, rit-il en se penchant pour essayer d'en voir plus. La pièce de monnaie, c'est magique avec ces verrous.
— Logan !
— Chut ! Ton père va me démonter s'il sait que je te mate sous la douche. Je vais finir comme Lord Varys, en eunuque, grimace-t-il en protégeant son service trois pièces de ses mains.
— Et donc, qu'est-ce que tu fous là ? gloussé-je sans relever sa référence à Game of Thrones.
— Je viens prendre une douche. Promis, je reste en boxer, mais j'ai de la pâte à gâteau dans le cou et je n'ai pas envie de m'endormir en ayant l'impression d'être en train de flotter dans un bol de chocolat chaud.
Je mets un temps à réaliser ce qu'il me dit, si bien qu'il est déjà en train de s'engouffrer dans la cabine de douche lorsque je comprends où il veut en venir. Je me couvre la poitrine et me recroqueville bêtement sur moi-même.
— Mais qu'est-ce que tu fous ? Ça va pas la tête ? Sors d'ici !
— Je ne regarde pas, ça va ! Je t'ai déjà vue à poil, Gabi, et je sais me tenir. Je te promets de ne pas te sauter dessus. Sauf si tu m'y invites, bien sûr.
Je me retrouve comme une conne, hyper mal à l'aise alors qu'il vient se coller à moi pour récupérer le gel douche. Est-ce qu'il a conscience que son boxer est blanc et que l'eau et le blanc ne font pas vraiment bon ménage ?
— Allez, détends-toi, Sweet Gabi, rit-il.
— Non, je ne vais pas me détendre. Je n'ai plus seize ans, tu sais ? Je veux dire... Je... Enfin... Tu te rappelles comment j'étais mal à l'aise avec mon corps ?
— Bien sûr que je m'en souviens, et c'était complètement débile, d'ailleurs, tu étais déjà canon à l'époque.
— Peut-être, si tu le dis... Et donc, en sachant ça, tu te pointes dans ma douche ? Il ne t'est pas venu à l'idée que j'aurais préféré éviter ?
Il me tourne le dos en se savonnant et je me bats contre moi-même pour ne pas reluquer comme une désespérée son cul moulé dans un tissu devenu transparent... Putain, il faut vraiment qu'il arrête ça.
— J'ai fini, marmonné-je en le poussant pour sortir de la cabine de douche, le bras toujours contre ma poitrine.
— Oh Gabi, boude pas, on a pris des bains ensemble, gamins, on a couché ensemble, rit-il tandis que je m'enroule dans une serviette.
— On a grandi depuis... Bonne nuit, Logan.
Je fuis littéralement la salle de bain et vais m'enfermer dans ma chambre. Pourquoi ? Parce que j'aurais bien envie de craquer ? C'est à coup sûr plus plausible que de dire que je n'assume pas mon corps sous ses yeux, mais ce n'est pas la vraie raison et j'en ai bien conscience. Logan et moi sommes amis depuis tout petits, et l'imaginer devenir plus que ça me dégoûtait jusqu'à ce soir de Noël où nous avons couché ensemble. L'entendre me dire qu'on pourrait remettre le couvert ravive cette attirance que je me refuse à avoir pour lui. Tout ceci serait trop glauque, non ?
— Gabi, tu ne viens pas ? me surprend-il en toquant à la porte alors que je m'allonge dans mon lit.
Mauvaise idée, vraiment très mauvaise idée.

Christmas Traditions [Publié chez Evidence Editions]Where stories live. Discover now