Le bijoutier chez Penda la Peulh

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Bonne Lecture 😘

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       La case de la Peulh était à l'autre extrémité du village. Elle était située près du fleuve. Un enclos, grossièrement aménagé avec des branchages et des palmes de cocotiers ceinturés de fils de fer, abritait quelques vaches bien nourries qui, paresseusement allongées, ruminaient philosophiquement sans se soucier le moins du monde de Penda qui pilait du mil sur le seuil de la porte. La tête découverte, ses longs cheveux flottant au vent, les pieds nus, elle s'était, pour tout vêtement, drapé d'un léger pagne noué au-dessus des seins qui lui découvrait la moitié des cuisses.

       Cet accoutrement aéré et somme toute adapté à la cuisante chaleur de l'après-midi, tout en cachant l'essentiel de ce que la pudeur recommande et tout en laissant le corps libre de tout mouvement, faisait ressortir davantage les formes et les courbes de Penda, en les enveloppant dans une ondulante transparence. Cette silhouette parfaite qui s'offrait à la nudité du soleil torride se mouvait en cadence régulière que rythmait le sourd bruit des pilons s'écrasant au fond du mortier.

       Mactar Guèye, le bijoutier, se tenait maintenant à quelques mètres de penser, la respiration haletante, saccadée, le cœur battant à se rompre. La sueur perlait en grosses gouttes sur son crâne dégarni. Il l'épongea nerveusement d'un revers de manche. Il avança lentement, fasciné par le jeu d'ombre et de lumière, par la proximité et l'éloignement de cette vivante architecture de formes voilées dans une perfection de courbes. Il devinait tout mais ne voyait rien, perdu dans la séduction de ce corps à la fois nu et voilé qui s'offrait à son regard. En pensée, il escalada les fermes collines jumelles, se perdit au plus intime et infime repli du corps de la jeune fille dont il savoura, en les remodelant à son rêve intérieur, la douceur chaude des cuisses et le parfum humide et luxuriant du mont qui s'offrait à toutes les métamorphoses de Vénus.

      Oh, mon Dieu ! Corps captivant de femmes, quelle ivresse distilles-tu donc qui rend les courageux lâches et les lâches courageux, pensa Mactar, en lui-même ? Recréation secrète du corps de Penda livré à l'alchimie des sens et à la récréation érotique et voyeuriste de Mactar. Changée, changeante, transformée et pourtant toujours la même, inchangée, la jeune fille s'abandonnait à la fluidité inconsistante de sa rêverie. La Peulh n'était nullement un mirage, elle était bien réelle, bien là, devant lui, belle sous le soleil comme flamboyant d'avril, éclatante de santé et de vigueur dans la luxuriance de sa jeunesse, mais belle alors comme jamais rêve ne peut en rêver de femme si belle, belle et ensorcelante dans sa tenue presque d'Ève, belle comme aucune magie et aucun paradis ne le furent jamais. Elle était là, devant lui, si proche, si proche...

      Telle que le bijoutier découvrit la jeune fille, comme s'il la voyait pour la première fois, la réalité dans sa surprenante irruption dépassait de loin le rêve, aussi extraordinaire qu'il fût. Il faut être bien pauvre pour rêver, pensa Mactar. Oui, il faut être bien pauvre, mais quelle irremplaçable richesse que la rêverie de Mactar jouissant de Penda selon ses fantasmes et ses désirs. Il était maintenant tout près de la Peulh qui s'arrêta de piler et de chantonner en l'entendant venir. Mactar s'approcha, s'essuya le front et salua d'une voix cassée. La jeune fille lui rendit son salut en le dévisageant, un peu étonnée tout de même de le voir ici.

_ Il fait chaud aujourd'hui, n'est-ce pas ? Commença-t-il, pour dire quelque chose tout en toisant discrètement l'accoutrement de Penda.

       La Peulh le regardait sans répondre et semblait attendre de connaître l'objet de sa visite. Elle avait entre temps réajusté son habit. Nullement décontenancé par le mutisme de la Peulh, le bijoutier, comme s'il se parlait à lui-même, en fixant Penda, dit :

Penda La PeulhWhere stories live. Discover now