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Les murs ont des oreilles ; les miroirs ont des yeux ; les armes ont un nez. 

Allongé dans le noir, les yeux tantôt rivés vers le plafond, tantôt fixant le ciel gris et nocturne par la fenêtre, Felix sortit de son matelas à même le sol pour s'approcher de sa vitre. Felix regardait les limites du ciel, les maisons non loin de son appartement et les lampadaires qui éclairaient faiblement les rues. Il lâcha un soupire. Un souffle presque saccadé. Encore une nuit à passer sans vraiment dormir. Felix ne se sentait jamais en sécurité, peu importe où il était. Cette horrible sensation d'être observé ne l'avait jamais quitté depuis qu'il avait dénoncé son frère à la police. Elle se chargeait de sa sécurité en tant que témoin oculaire et auriculaire — pour faire court : un témoin direct. 

En contrepartie, Felix devait dire tout ce qu'il savait sur son frère. Mais il ne devait pas trop parler. S'il en disait trop, il savait ce qu'il l'attendait. D'un côté, il pouvait tout simplement se rendre à lui, tout effacer, d'un autre côté, c'était trop tard, le bras-droit de son frère l'avait considéré comme un traître. Et un traître : ça s'éliminait.
Felix n'avait aucune envie de finir brûlé vif et jeté au fond d'une rivière, le corps retenu par des poids pour éviter qu'il ne remonte à la surface. 

Felix avait toujours eu un brin d'admiration pour son frère. Même la première fois qu'il avait volé et dealé. Felix ne l'avait pas suivi dans cette voie-là, préférant consacrer sa vie dans les études et ses diverses passions dans l'art. Son frère n'avait pas couru avec lui. Il en avait été incapable. La société ne l'aurait pas accepté et ne le ferait jamais. Il voulait marquer le monde à sa façon, bâtir son propre royaume à partir de rien. Il l'avait son royaume. Un empire, même. 

Ensanglanté, enfumé, broyé. 

Felix ne comptait plus sur ses doigts combien de personnes son frère avait sacrifié pour en arriver où il était. Ce n'était pas comme si le poids de ses crimes lui alourdissait le dos. Au contraire, il n'en ressentait ni le moindre mal, ni la moindre satisfaction. 
Felix en avait mis du temps à le dénoncer. 
Plusieurs années.
Plusieurs années à rassembler des dossiers, pirater en douce son ordinateur à distance, trouver des preuves tangibles, logiques, mais certes effaçables. Felix avait découvert le haut de l'iceberg. 

Les hommes de son frère ne voyaient qu'à travers les armes, la drogue, et autres plaisirs. La police n'arrivait pas à mettre leurs mains sur eux, peu importe leurs tentatives, ne pouvant que prier Dieu que ces affaires ne soient pas classées ou mises au crible. 

Felix leva son bras droit. À la lueur de la lune, il avait l'air si maigre, la chair était violette, rougette, zébrée de cicatrices boursouflées ; une ancienne brûlure au troisième degré. Qui aurait cru que la graisse corporelle pouvait entièrement brûler ? Felix se concentra sur le reflet argenté que provoquait l'Astre de la Nuit sur son revolver noir bien serré entre ses doigts rachitiques. 

- Maman... est-ce que je peux pleurer ? Je crois que j'ai fait quelque chose d'horrible à Bangchan. 

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⏰ Last updated: Jan 18, 2022 ⏰

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𝗺𝗼𝗻𝘀𝘁𝗲𝗿 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ | ᵇ•ᶜʰᵃⁿWhere stories live. Discover now