Feu Éternel {Kamila}

Chapitre 15

Je m'endors à mon tour. Néanmoins, je ne relâche pas mon étreinte, consciente que ce sera peut-être la dernière. Car ma décision est prise. Je pars demain.

Il doit être cinq heures du matin. Je me lève doucement, essayant de ne pas réveiller Hannah.Je m'habille rapidement. Le soleil ne se lève que dans une heure, il ne me reste plus beaucoup de temps. La lumière de la lune caresse le visage de mon amie et je ne peux m'empêcher de la regarder une dernière fois J'ai honte de partir ainsi, malgré les paroles qu'elle m'a dites la veille. Mais je n'ai pas d'autre solution. Je dois y aller. Je ne parviendrai pas à faire le deuil de ma mère si je n'ai aucune certitude de sa mort. A cette pensée, mon cœur se tord. Non, je viens pour la sauver. Pas pour ramener son cadavre. Soudain, je sens une main agripper la mienne. Hannah me regarde, aussi triste que courroucée. Elle murmure d'une voix à peine audible ;

" Je savais que tu partirais. Mais je ne pensais pas que tu t'enfuirais. "

" Je suis désolée Hannah. Je n'arriverai pas à accepter. "

Je la vois se lever et sortir un sac d'un des nombreux tiroirs de mon bureau. Je l'interroge du regarde et elle me répond ;

" Je pars avec toi. "

J'aurais aimé la dissuader de partir avec moi, mais ses yeux étincelant de colère et de détermination m'en interdisent. Une fois sorties de la chambre, nous descendons discrètement les escaliers et arrivons devant la porte d'entrée. Soudain, je vois une ombre s'approcher de nous, puis une deuxième. Je recule vivement et prends mon couteau. Les ombres se rapprochent encore. Hannah se met derrière moi et je retiens un cri de terreur en reconnaissant Baptiste et Lesly, postés devant nous, une mine réjouie sur le visage. Je pousse un long soupir ennuyé et leur demande ;

" Qu'est-ce que vous faites ici ? Vous êtes censés dormir chez vous ! "

Baptiste s'avance vers moi et répond d'une voix des plus agaçantes ;

" Te fâche pas, ma belle. On vient simplement avec vous. " 

Je sais qu'ils ne changeront pas d'avis, alors je hausse les épaules et ouvre la porte d'entrée. La chaleur de la nuit m'enveloppe, comme si la Lune convoitait le labeur du Soleil. Je fais signe à mes amis de me rejoindre et nous nous empressons d'atteindre le portail. Nous escaladons ce dernier, fermé à clef par sécurité, et arrivons dans la rue. Dehors, tout est calme. Le silence est pesant, et je sens mes compagnons s'agiter près de moi. La pleine luminosité de l'Astre grisonnant nous camoufle certaines zones. Mais malgré ce manque de clarté, je perçois plusieurs formes immobiles allongées sur le sol. Des Infectés. Nous traversons la route pour ne pas les approcher de trop près, mais ce n'est pas nécessaire : ils semblent assoupis comme si on leur avait jeté un sort. Ce qui n'est pas plus mal.

Mon couteau toujours à la main, je longe plusieurs jardins. Puis, après les avoir passés, nous cheminons lentement sur le trottoir, près de la rivière pratiquement asséchée. D'habitude mouvante comme un torrent en colère, elle n'est plus qu'un fin ruisseau qui glisse timidement le long des nombreuses pierres tapissant le fond. Je n'entends plus qu'un clapotis étouffé, et cette sécheresse ne me parait que plus réelle. Arrivés à la passerelle qui nous a, par le passé, permis de traverser la rivière en sens inverse, je marque une halte silencieuse. De l'autre côté de ce pont se trouve l'aire sablonneuse. C'est à cet endroit même que j'ai revu Noah, alors que je le croyais mort. Je me rappelle distinctement la joie que m'avait procuré sa rencontre.

Je pousse un long soupir. Nous avons tellement changé. Il a tellement changé. Il n'est plus le même, plus froid, plus distant qu'il ne l'a jamais été. Aujourd'hui, j'en viens à le haïr, alors que quelques semaines plus trop je pleurais son éventuel décès.