⭐ Texte de lilice1338 ⭐

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 Ce texte appartient à lilice1338 



Sonnerie. Raclement des chaises sur le sol. Brouhaha des élèves qui se lèvent. Trousses et cahiers qui seront oubliés. 

 Le même scénario se répète, indéfiniment. J'ai l'impression que ma vie n'a pas de but. Je n'ai pas l'impression d'apprendre. Je n'ai pas l'impression d'avancer. Ni de reculer. Non, encore pire, je stagne. Ma vie est aussi mouvementée que celle d'un jouet abandonné. 

 Je me lève de ma chaise sans bruit, comme hier, demain et aujourd'hui. Personne ne me voit, ne me parle, ne m'entend. Comme avant. Je fais parti de ceux qui comptent peu. Je suis de ceux qu'on ne voit pas. Que je ne sois là ou pas, personne ne le remarquera. Ceux qui ont été laissés sur le bas-côté. Je n'ai jamais été trahie, abandonnée, délaissée, non, je n'ai jamais été abordée. Pourtant, je suis ici depuis le commencement de ma vie. Si elle en a bien un. 

 Mes cheveux noirs tombent en cascade devant mes yeux bleus. Je me baisse pour ramasser mon cahier, et tout rassembler dans mon sac. J'attendrai que tout le monde sorte, comme d'habitude. Ils ne me verront pas, comme autrefois. Je sortirai, et arriverai au prochain cours sans que personne ne me remarque. Je rentrerai, et je recommencerai. Pourtant aujourd'hui, tout va dégénérer. Mais ça, je ne le sais pas encore.

J'attends que les derniers élèves sortent, tête baissée. Je vois le professeur sortir, sans même m'adresser un regard. C'est rien, j'ai l'habitude. Je commence à me lever de ma chaise, et je dépasse le pas de la porte d'un pas moyen. Je sors du lycée, toujours aussi invisible. Je ne pense pas. Je ne parle pas. Je ne crie pas. Je ne maudis pas. Je respire, je marche, inconsciemment. Je serai à présent capable de rentrer chez moi les yeux fermés. Mes yeux regardent droit devant. Les oiseaux chantent, les arbres dansent en harmonie avec leurs feuilles, et moi, rien. Les filles aiment, détestent, trahissent. Les garçon aiment, apprennent, trahissent. Et moi pas.

 C'est rien. J'ai l'habitude.

J'entends des bruits de voix de garçons derrière moi. Ils semblent être une demie-douzaine. Je ne me retourne pas, de toute façon, je doute fort qu'ils m'aient vus. Pourtant, une voix en moi me dicte d'accélérer mes pas. Cependant, je ne parais pas prendre de distance entre eux et moi. Mon cœur manque un battement et je faille à marcher droit lorsque j'entends une voix derrière moi susurrer : 

 - Hé ! Toi ! 

Je m'immobilisais pendant un instant, me trahissant. 16 ans. 16 ans que personne ne m'a parlé. 16 ans d'existence, quelques secondes de vie aux yeux des autres. Une partie de moi est ravie à cette idée, une autre, égoïste, se demande pourquoi ils ne l'ont pas fait plus tôt, quittes à le faire maintenant. J'aimerai les remercier de ce qu'ils viennent de faire, leur sauter au cou. Mais je ne le fais pas. Une voix intèrieure me conseille de ne pas le faire, un mauvais pressentiment en tête. Je préfère ne pas exister aux yeux des autres plutôt que l'on me prenne pour une folle. Je sursaute lorsque je sens une pression sur mon pantalon. Mes yeux se révulsent, et je panique. Je me retourne en effectuant un grand pas en arrière. Je me rends alors compte que je me suis arrêtée, leur laissant le temps de me rattraper. Je vis ce qui m'avait échappé : ils étaient une demie-douzaine, et devaient tous être au moins en âge d'étudier. Et apparemment, ils n'étaient plus très sobres. Un des leur tient trois bouteilles dans ses mains. Un autre a une cigarette dans la bouche. Un troisième, l'œil engard, me regarde d'un oeil plus que curieux et malsain. Tout le reste du groupe vacillait légèrement, ne tenant pas debout. Celui que je soupçonnais être à la tête de ce groupe semblais apparemment être aussi l'auteur de ce geste. Je reculai à nouveau d'un pas, avant de prendre mes jambes à mon cou, ayant retrouvé l'usage de mes membres. J'eus à peine fais une enjambée que je rentrais dans quelqu'un. Je trébuchai, et une main me releva.  

Je fus heureuse d'avoir quelqu'un qui puisse me tirer de leurs mains. J'allais lui adresser un sourire éclatant, reconnaissant quand je sentis que ses mains avaient glissés sur mes fesses. J'eus un hoquet de peur lorsqu'il me murmura à l'oreille, son haleine fétide venant embaumer mes narines :

- Ne t'inquiète pas ma jolie, je ne te ferai rien. 

 D'un geste de bras, je me dégageai de son étreinte et le gifflai. Au lieu de le déconcerter, l'effet que j'avais prévu, il esquissa un sourire malsain et pervers et susurra : 

 - Ma petite tigresse qui s'affole... 

Je jetai un coup d'oeil devant et derrière moi, et me rendis compte qu'ils m'avaient encerclés. J'étais piégée. Je n'avais pas de sortie possible. Personne aux alentours. Je désesperais, et fis la dernière chose qu'il me fut possible faire. Crier. Mon cri n'eut aucun effet, car je ne parle quasiment jamais, et ma voix était enrouée à cause de la peur et du stress. Je sentis une main glisser dans mon chemisier, et je me débattis tant bien que mal. Malgré tout, je ne réussis pas moins à m'en débarrasser, car des mains me retenaient. Sa main alla jusqu'à mon soutien-gorge qu'il détacha. Je me mis à mordre les mains que je pouvais atteindre, sans grande garantie. Je pleurais silencieusement lorsqu'un autre laissait vagabonder sa main sous ma culotte. Je frémis de terreur et j'essayai de serrer mes jambes... Peine perdue. Je sentis d'autres mains me prendre de toutes parts, et je hurlais à présent réellement. Je sentis quelque chose couler sur mes genoux, et je préferai ne pas regarder. Une main vint se plaquer sur ma bouche pour me faire taire et je laissai les larmes m'envahirent. Je voulais que cela cesse. Que tout s'arrête. Une voix s'écria :

- Puta*n ! Tu m'as mordu petite garce ! 

 Il m'asséna un coup puissant à la joue et j'eus du mal à respirer. Une autre ricana :

- C'est bon les gars, vous en avez fini avec elle ? Faut qu'on se taille, ses hurlements vont faire ramener les keufs. 

J'avais du mal à garder les yeux ouverts, mais je vis nettement qu'il adressa un signe de tête à l'un de ses acolytes. Qu'allait-il me faire ? Je n'eus pas la force de protester ni de paniquer. Il approcha et me prit par le cou. Ah. Ils veulent m'achever. "Un prédateur achève toujours sa proie". Bien sûr. J'eus de plus en plus de mal à respirer, mon souffle se faisait court, saccadé. Je savais que je virais au violet. Je ne parlai pas. Je ne me déchaînai pas. Je n'avais pas de raison de me battre. Ma vie n'a pas de sens. Je sais qu'une fois ces mots lus, vous m'oublierez. Car vous ne connaissez pas mon nom. Et je ne vais pas vous le dire, car je ne veux pas que vous m'ayez sur la conscience. Vous ne pensez pas à moi, mais je ne vous en veux pas. 

 C'est rien. 

 J'ai l'habitude.

Il raffermit sa prise. Un spasme. Dernier souffle. Finalement, ce n'est pas si terrible. Les ténèbres viennent m'engloutir. Puis le noir complet.

CONCOURS !Where stories live. Discover now