L'Élu

Chapitre 4

    Ce matin, c’était la deuxième épreuve.

    Et je ne savais pas à quoi m’attendre. Hier, la course où des trappes étaient dissimulées dans l’asphalte, c’était quelque chose dont je n’aurais jamais pensé faire un jour. Alors, si aujourd’hui une épreuve qui sortait de l’ordinaire nous était encore réservée, je devais dire que je n’avais aucune idée de ce que ça pourrait être. Parce que j’aimais bien essayer de deviner. Je trouvais que les organisateurs de l’événement faisaient preuve d’originalité.

    Ça me stressait quand même un peu. Cependant, beaucoup moins, parce que maintenant je savais à quoi m’attendre. C’était devenu ma nouvelle réalité : se lever tôt le matin, faire quelques heures de camionnette pour se rendre sur place, effectuer l’épreuve dont quelqu’un en ressortirait gagnant et refaire quelques heures de camionnette pour retourner au chalet, sans ce gagnant.

    Alors, comme la journée précédente, Garry vint nous réveiller en nous incitant à nous dépêcher et nous demanda de se retrouver dans la camionnette.  Cette fois-ci, je fus la première à être prête. Ensuite, ce fut le tour d’Isadora.

    Lorsque je la vis, une pensée jaillit dans mon esprit. Je décidai que je voulais savoir ce qu’elle cachait. Aujourd’hui. Maintenant. Donc, je ne pris pas le temps de la saluer et je lui demandai vivement :

    ─Que s’était-il passé entre vous et Simone ? Et cette fois, je veux avoir la vérité !

    Je me rendu soudainement compte de ma bêtise. Je n’avais pas été très poli. Dans ma tête, ça sonnait plutôt bien, assez déterminé. Mais ma voix avait plus montré de l’agressivité que de la douceur. Je lui soufflai un faible « Désolé… »

    ─Ça ne fait rien, tu es pardonnée. Mais ne le refais plus, d’accord. (Elle pointa un doigt accusateur vers moi et j’acquiesçai de la tête.) De toute façon, j’y avais déjà réfléchi et je me suis dit que tu avais le droit de savoir. (Elle attendit quelques secondes avant de continuer.) Simone fait partie des organisateurs de la Tradition du Sacrifice. Quand elle a été créée, elle et moi avions peur. Mais elle, elle a agi de façon…égoïste. Elle s’est dit que la meilleure solution pour rester en vie, c’était de rejoindre la municipalité. De les soutenir.

    ─Les membres de la municipalité ne peuvent pas être choisis pour faire les épreuves ? demandais-je.

    ─Non. Ils se considèrent comme étant supérieurs à la population.

    Alors, depuis tout ce temps, madame Simone travaillait avec la ville. Pour contribuer à la mort d’innocents qui avaient le malheur de se faire piger. Et tout ça, seulement pour sauver sa peau. Je trouvais que c’était cruel de sa part. Depuis que je la connaissais, elle s’était toujours montrée attentionnée, généreuse et aimante. Je n’aurais jamais pensé ça de sa part. Est-ce que ça voulait dire qu’elle se fichait complètement de qui allait perdre cette année ? Et si c’était une de ses filles, une de nous deux qui perdait, ne se sentirait-elle pas triste ? Ça allait maintenant faire soixante ans qu’elle travaillerait avec eux. Soixante ans de cruauté. Je crois que je comprenais Isadora de ne pas vouloir en parler. D’avoir honte.

    Lorsque ma sœur et Gabriel arrivèrent, j’arrêtai de parler avec la vieille femme. Je ne voulais pas que Charlotte soit au courant. Du moins, pas tout de suite.     
        
    Quand nous arrivèrent, nous étions à la Grande Place. Un endroit qui, malgré moi, me surprit. Qu’allions-nous y faire ? C’était un endroit qui nourrissait encore plus ma curiosité ! Il y avait quatre podiums de bois qui avaient été installés face à la salle municipale et qui n’attendaient plus que nous venions nous placer derrière.

    ─On fait quoi aujourd’hui, Gros-Bras ? demanda Gabriel, qui adorait appeler Garry par son surnom.

    ─Le maire vous posera plusieurs questions, toutes en rapport avec l’histoire de cette île. Vous allez devoir répondre le plus rapidement possible. (Il souleva une clochette qui se trouvait sur un des podiums et la secoua pour nous faire entendre son joli son.) Vous aurez le droit de parole seulement avec ça.