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Il était huit heures du matin et je me rendais à l'hôpital de manière machinale. C'est Nathan qui conduisait. Les parents de Mike avaient demandé à John, son grand frère, de nous prévenir du décès de notre meilleur ami, parce qu'ils n'avaient eu par la force de le faire. C'était donc ça, ce fameux coup de téléphone qui m'avait plongé dans les pires angoisses de la vie, la nuit passée. Aujourd'hui, seuls les proches avaient les droits aux visites pour pouvoir lui dire au revoir. Ses parents avaient menti aux infirmiers et avaient fait croire que j'étais de la famille. Ils n'ont pas eu trop de difficulté à accepter, quand ils ont compris que j'étais cette fille, qui passait toutes les heures de visites à rendre compagnie à ce jeune homme, couché ici depuis deux semaines. Ses parents savaient à quel point Mike comptait pour moi. À quel point je l'aimais et à quel point notre amitié était forte et sincère. Ils n'ont pas hésité une seule seconde. Nathan et moi avons pris l'ascenseur jusqu'au cinquième étage, où se trouvait la chambre de Mike. Et c'est quand les portes de ce dernier se sont ouvertes que j'ai compris ce qui m'attendait. Les parents de Mike étaient tous les deux assis sur des chaises non loin de la chambre, effondrés l'un contre l'autre. Je tournais la tête vers la porte de la chambre lorsqu'elle s'ouvrit sur son grand frère et sa femme, qui sortaient de la pièce. Les larmes leur mangeaient le visage, et les cernes de John faisaient peur à voir. Lui, comme ses parents n'avaient pas dormi de la nuit. Il avait expliqué à Nathan, cette nuit, au téléphone, qu'ils avaient dû prendre la douloureuse décision, avec l'ensemble du personnel hospitalier, de le débrancher.


Il y a des étapes dans la vie qui sont parfois plus difficiles que d'autres. Des choses qu'on aimerait ne jamais voir arriver, des personnes qu'on aimerait ne jamais voir partir. Malheureusement tout arrive toujours d'une façon ou d'une autre avec à chaque fois, un ressenti différent.


J'ai demandé à Nathan de passer avant moi. Je voulais être la dernière à lui parler. Il comprenait. Je saluais d'un geste de la tête les membres de la famille de Mike et les remerciais de nous avoir compté parmi les proches. Je m'assis à même le sol, et attendis que Nathan sorte de cette chambre que je connusse si bien. Le temps me parut interminable. Quand il quitta enfin la pièce, il avait les yeux rougis. Je me levais et le serrais dans mes bras. Je devais être forte. C'était mon tour, je ne pouvais pas faire marche arrière. Je ne le voulais pas. J'étais terrifiée mais j'avais besoin de le voir de mes propres yeux. Alors, j'entrais dans la chambre, sans jamais regarder le lit et refermais la porte derrière moi. Je comptais jusqu'à trois, pris une grande inspiration et me retournais face à mon ami, allongé sur le lit médicalisé. La première chose que je vis, c'est qu'il n'était plus relié à tous ces fils qui lui couvrait le corps. Je fus un instant soulagée. Mais, quand mon regard croisa son visage, les larmes me montèrent instantanément aux yeux. Je couvris ma bouche de ma main droite.


Il était pâle et ses traits étaient tirés. Mon dieu ce que le passage de l'autre côté à dût être compliqué.


Il y a des choses que nous ne souhaitons pas voir se produire mais nous devons les accepter. Je pense que personne ne pouvait comprendre ce que je ressentais à cet instant présent. Cette douleur... mon Dieu. Il était peut-être comme les autres pour eux, mais pour moi, il était différent. C'était mon meilleur ami, et il est parti.


J'ai senti quelque chose se coincer dans ma gorge, me coupant le souffle. Il fallait que je m'y fasse. Cette idée que quelqu'un n'est plus là, on ne s'y habitue jamais. Je n'arrivais plus ni à parler, ni à penser. Je n'avais plus la force de respirer. J'avais clairement l'impression de me noyer.


Je m'approchais du lit et lui caressais la joue du revers de la main. Mon dieu, qu'il était froid. J'aurais voulu le réchauffer un instant de ma vie et lui prendre un peu de la froideur de sa mort. C'était impossible.


- Oh, ma Poupée... dis-je dans un sanglot.


Je lui attrapais la main dont les doigts commençaient doucement à se rigidifier et la posèrent sur mon ventre qui commençait à s'arrondir. D'après ma sage-femme j'attendais un petit garçon, qui se portait très bien. Il n'aura donc jamais la chance de le rencontrer. Mais, je voulais l'encombrer de ma vie, encore un peu.


- Je t'aime, je t'aime, je t'aime... soufflais-je.


Je posais ma main sur mon cœur afin d'essayer de le calmer et de m'aider à reprendre mon souffle. Vous savez, un au revoir est seulement douloureux si vous savez que vous ne direz plus jamais bonjour. Je fermais les yeux un instant afin de prononcer ces quelques mots :


- Adieu, Mike...


Puis, je sortis de la chambre sans me retourner une seule fois.


Parfois quand quelqu'un part, une partie de toi part avec.

Inévitable.Where stories live. Discover now