20 - Le voyage

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Le lendemain matin, le couple avait décidé de se rendre sur Anima. Il était largement temps pour Ophélie de retourner chez elle et d'arrêter de repousser le moment de se confronter à sa famille. La discussion s'annonçait longue et compliquée, mais elle devait avoir lieu en face-à-face. Elle leur devait au moins ça. Elle envoya un télégramme à ses parents pour les avertir de leur arrivée prochaine. Ils prendraient le prochain aérostat direct pour Anima qui partait dans la semaine.

La tante Roseline décida de les accompagner, tant pour assurer son soutien à sa nièce et son fiancé que pour revoir sa terre natale qui lui manquait. Elle promit néanmoins à Berenilde de revenir rapidement.

Ils auraient pu emprunter un raccourci et utiliser le réseau des Roses des Vents auquel Archibald avait toujours accès, mais Thorn et Ophélie préféraient profiter du voyage pour discuter de leurs projets. Et Thorn détestait l'idée de devoir être redevable à l'ancien ambassadeur pour quoi que ce soit. Ils partirent tous les trois du domaine deux jours plus tard, après des aurevoirs larmoyants avec Victoire qui regrettait de ne pas pouvoir les suivre.

Une fois installés à bord du long-courrier, Roseline comprit que les fiancés avaient besoin d'intimité et les laissa profiter de leur solitude pendant la semaine que devait durer le trajet. Elle s'occupa en investissant la modeste bibliothèque du bord qui profita de ses talents de restauration de papier pour se faire une nouvelle jeunesse.

Thorn et Ophélie avaient beaucoup à réfléchir et prévoir. À commencer par la mariage. Ils souhaitaient tous les deux qu'il ait lieu rapidement, mais où le célébrer ? À Anima où se trouvait toute la famille d'Ophélie ? Cette dernière n'y tenait pas particulièrement, elle avait l'impression que cela la renverrait directement en enfance sous la supervision de sa mère possessive. Au Pôle où Thorn était maintenant légitimé comme un Dragon à part entière ? Ils avaient déjà vécu un mariage à la Citacielle, dans les sous-sols de la prison pour être plus exact, et n'en gardaient pas un bon souvenir. Ophélie proposa Babel-la-neuve, elle restait attachée à cet endroit malgré les épreuves qu'elle y avait vécu. N'était ce pas là-bas qu'elle avait enfin reconnu ses sentiments pour l'homme qu'elle allait épouser ?

Les projets sur leur futur après le mariage les occupèrent le reste du voyage. Ils ne sortaient que très peu de leur cabine, rejoignant seulement Roseline pour partager de brefs repas. Thorn ne se nourrissait pas beaucoup et répugnait à manger en public, Ophélie quant à elle souffrait un peu du mal de l'air et sa nausée était renforcée par l'angoisse de se confronter à sa famille. Ils passèrent la majorité du temps installés dans le canapé de leur chambre à discuter.

La question de l'endroit où vivre une fois à nouveau mariés fut abordée. Ophélie refusait catégoriquement de considérer un retour sur Anima pour garder son indépendance vis-à-vis de sa famille. Le Pôle restait le choix le plus logique selon Thorn, mais il était prêt à suivre Ophélie là où elle le souhaiterait. Il ne s'était pas encore habitué au nouveau monde complet et lui faisait confiance pour prendre la meilleure décision possible pour eux deux. Babel-la-neuve et le symbole qu'elle représentait pour leur couple attirait Ophélie pour y tenir leur mariage, peut-être pourraient-ils s'y installer ?

Ils décidèrent de ne pas prendre de décision hâtive et de se concentrer d'abord sur la visite à Anima et l'organisation du mariage.

- J'ai conscience que ça ne va pas être facile pour toi d'être à nouveau confronté à ma famille et de passer du temps avec eux, mais pourrais-tu faire preuve de patience ? Demanda Ophélie le dernier jour de leur périple.

Thorn la dévisageât en silence.

- Je ferai mon possible. C'est... en fait... il s'interrompit, cherchant ses mots. Je ne sais pas comment me comporter avec les gens.

- Tu y arrives bien avec moi.

- Mais toi, tu es unique, lui dit-il doucement, tu es mon Ophélie.

Elle ne put retenir un sourire.

- Tu es la seule personne qui me comprenne et m'accepte tel que je suis.

Ophélie sentit son cœur se serrer à la pensée de la vie froide et brutale qui lui avait été infligée. Même en étant différente du reste de sa famille, elle s'était toujours sentie aimée et entourée.

- Et je ne veux pas que tu changes, le rassura-t-elle, je crois que je voudrais simplement que le monde puisse te voir comme je te vois.

Thorn fronça les sourcils d'un air interrogatif. Elle répondit à sa question implicite.

- Un homme à part, honnête, passionné, loyal, attentionné, intransigeant encore plus avec lui-même que les autres. Un homme qui mérite tout l'amour qu'il est prêt à offrir au monde. Un homme aussi beau à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'homme que j'aime plus que tout.

Les yeux de Thorn s'étaient écarquillés au fil de cette déclaration et ce fut avec le rouge aux joues qu'il finit par détourner le regard.

- Tu es décidément une équation que je pourrai jamais totalement résoudre, annonça-t-il d'une voix troublée après quelques secondes de silence. Tu parviens encore et toujours à me surprendre, un peu plus que cela, même.

- Je te retourne le compliment.

Ophélie se blottit contre Thorn avant de reprendre.

- Une dernière chose. Je veux que tu me laisses parler à ma famille sans intervenir. Même si ma mère est désagréable, je dois l'affronter seule et lui prouver que je n'ai pas besoin d'être protégée ou dirigée. Le simple fait de t'avoir à mes côtés sera suffisant.

- Je te le promets.

- Merci, la confrontation ne sera sûrement pas facile.

- Mais je te préviens qu'il est hors de question que je les laisse te maltraiter sans réagir. Je ne supporterais pas qu'ils te fassent souffrir.

- Mon chevalier servant.

- J'étais sérieux, ne te moque pas.

- Je le suis aussi, lui assura Ophélie d'une voix tendre en posant ses mains gantées sur le visage de Thorn pour qu'il lui fit face. Tout ira bien, ne t'inquiète pas. Après avoir survécu au Pôle, à Babel et à l'Envers, quelques jours sur Anima devraient être surmontables.

Thorn eut une grimace et se pencha pour l'embrasser.

-Je l'espère, soupira-t-il.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Where stories live. Discover now