Chapitre 6

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Tout est flou autour de moi. J'ai peur, où suis-je ? Je ne vois que par taches, elles sont dans les tons de vert et de brun. Comme je ne vois rien, mes mains prennent le relai et explorent mon environnement immédiat. Je suis allongé sur une natte. Puis, je remarque que j'ai utilisé mes mains. Et pas ma main. Je cherche frénétiquement le bracelet d'Enea autour de moi. La panique m'envahit, je ne le trouve pas. Dans la confusion de mes mouvements frénétiques, mes bras s'entrechoquent et je sent à mon poignet gauche des petites pierres. En les caressant, je les reconnais : quelqu'un m'a attaché le bracelet. Et bandé la main. Et les bras. Et le torse, le front et, j'en suis sûr, les pattes aussi.

Ma vue reprend du terrain, au-dessus de moi il y a une tache brune de taille respectable. Et la lumière se fait. Je recoupe tous les évènements et fonds en larme.

Quand Nohan arrive, le remord suinte toujours de mes yeux. Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Je me sens bête, honteux, ingrat. Je choisis de ne pas le regarder, de me taire. Il pose contre un tronc un arc et des flèches. Et alors que le soulagement de le savoir en mesure de chasser pointe, il est submergé par les souvenirs de la veille et de mon arc réduit en miettes. Je redouble de larmes.

Le silence reste pesant jusqu'à ce qu'il s'approche de moi, une écuelle à la main. Au fumet, je devine une portion de lièvre rôti et des baies grillées.

- Mange, me dit-il. Il faut que tu reprennes des forces.

- Merci.

Et je fonds à nouveau en larmes. Entre deux sanglots je le remercie encore et encore. Parce qu'il m'a à nouveau sauvé, soigné. Parce qu'il me nourrit. Parce qu'il a fait ça après ce que moi j'ai fait.

- Pardon, je laisse échapper.

Alors redoublent les pleurs. Je lui demande pardon pour tout. Quand je me suis calmé et que j'ai, face à son insistance, mangé le contenu de l'écuelle, je lui dis tout. Ma satisfaction de trouver des Fyte et l'excitation face à l'idée de me venger. Le décalage que j'ai ressenti sur place. Enea. Très longtemps Enea. Et le rejet des autres. Il ne me dit pas comment il m'a sorti de là, il le fera peut-être plus tard, quand je n'aurai plus besoin de parler.

- Pourquoi ? je lui demande.

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tu es venu à mon secours après ce que je t'ai fait ? Pourquoi tu ne t'es pas dit que j'étais un cas désespéré ?

- Est-ce que tu m'as écouté, Aden ? Est-ce que tu as compris ce que j'essayais de te dire ? Je t'ai pardonné. C'est pour ça que je suis revenu. Je n'ai pas voulu prendre en compte ta trahison.

Je ne parle pas, que dire face à ça ? Puis, un mot me vient, le seul je crois, qui soit raisonnable dans une telle situation.

- Merci.

In medio umbræ mortisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant