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Il y avait toujours eu cette fille à la fenêtre voisine. Grande, svelte, cette fille de son âge qu'il admirait secrètement tournoyer dans de ravissants tissus bleus.


Il l'observait discrètement rentrer chez elle en fin d'après-midi, un sac bien fixé sur le dos. Elle chantonnait un air qui lui était inconnu, balançant sa tête de gauche à droite en rythme avec sa mélodie.


Des fois, ils se retrouvaient à l'entrée du village, à jouer avec le sable à leurs pieds, alors que le soleil déclinait à l'horizon berçant leurs peaux poussiéreuses et basanées.


Ils s'amusaient jusqu'à que sa mère vienne la chercher, la tirant par le poignet, lui ordonnant de ne pas s'approcher des « moins que rien comme lui ».


Et un jour, sa maison était en flammes ; l'air crépitait, et les gens hurlaient, affolés par la colère d'Imana, si Dieux il existait.


L'odeur de chair brûlée enivrait l'air, annihilant les sens, attisant la terreur. Des corps, il y en avait deux, le père et la mère, tu à jamais, alors que la jeune fille manquait à l'appel.


Mais personne ne se lança à sa recherche. Elle n'était que regrettable et son sauvetage qu'illusoire. « Elle ne méritait pas cela », ils l'avaient tous enterrée, sans qu'aucune tombe ne soit creusée. Ensevelissant la mémoire d'une vivante, si facilement oubliée.


Lui, dans tout cela n'avait pas son mot à dire, jeune et imbécile, il n'était que le voisin, qui, tout autant que les autres la regrettait ; elle et ses parents, pourtant si gentils et aimables.






———





— Qu'est-ce que tu fous gamin. Reste pas planté là.

— Je ne suis pas sûr...

— Fais-le.

— Mais.

— Tu veux que je te montre pour la millième fois ?

— Non. Je ne pense pas que ce soit juste.

— Juste ? Il est trop tard pour se demander ce qui est juste pauvre gosse.





———





L'hémoglobine, de ses arômes ferreux couvrait d'amertume les papilles sableuses du Rwanda. La Mort arpentait les rues, avide des vies arrachées.


Au milieu de ce chaos, alors que les détonations résonnaient à perdre la tête, ils s'accrochaient à l'espoir d'une enfance perdue ; d'une juvénilité brûlée et d'une amitié massacrée.


Le sol brûlant la faisait halluciner. Elle pouvait déceler dans ses iris : regret et dégoût enserrés l'un à l'autre dans une valse endiablée.


Il ne comprenait pas, qu'est-ce qu'elle faisait là, alors que son nom figurait sur une planche en bois. Ses yeux qu'il ne pensait revoir s'accrochaient aux siens, tentant vainement d'implorer la pitié.


La Vie si précieuse, dans son désespoir retint son poignet, mais la réticence fut impuissante.


— Massacre-la.


La machette entre ses doigts trancha l'épiderme de son cou, mais la lame émoussée par tant de cruauté heurta violemment l'os, incapable de le briser.



— Tu te retiens.

— Non.

— Laisse-moi faire. Faut tous les crever ces Tutsis de merde.



Le coup qu'elle encaissa fut cette fois bien plus net, bien plus volontaire. Avant que ses cils ne s'embrassent en un ultime battement, il croisa une dernière fois son regard, un regard empreint d'incompréhension et berçé de haine.


Sa nuque enfin céda, laissant son crâne tomber à la rencontre du sol, rapidement suivit de son corps sanguinolent. Et finalement la bulle de silence autours de lui éclata, laissant la cacophonie de l'enfer s'immiscer jusqu'à ses tympans.


Autours de lui, les gens hurlaient, les enfants couraient, traversant la route, se jetant sous les véhicules abandonnés par leurs passagers, fuyant les méchants, échappant tant bien que mal au trépas.




— En la mémoire d'Habyarimana.

. . .

— En la mémoire d'Habyarimana.





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ce truc sommeille dans mes brouillons depuis un long moment.
fuck la hggsp <3

Arusha 1994Où les histoires vivent. Découvrez maintenant