Chapitre 1 : Le restaurant.

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La seule chose qui me traversait l'esprit à cet instant-là, c'était de ne pas arriver à me résoudre à préférer me faire violer plutôt que tuer. Rien d'autre. Ce seul et unique point : je ne peux quand même pas souhaiter me faire violer, si ?

Mais que souhaiter d'autre, quand tu es prise en sandwich par deux hommes aux dimensions surhumaine au fin fond d'une ruelle sombre et au beau milieu de la nuit ?

La journée avait pourtant commencé dans une parfaite routine.

Après un service de midi classique, j'avais repris mon travail comme chaque après-midi, à seize heures, dans la sandwicherie haut de gamme d'une rue presque exclusivement animée de bars et de restaurants, au cœur du quartier chic de la ville. Enfin le quartier chic : disons que dans ce coin aux immeubles d'origine, le délabrement trouvait une seconde jeunesse aux yeux des bobos, ces bourgeois bohèmes qui apprécient justement le mélange des genres.

Le service du soir s'était déroulé sans encombre. J'y avais retrouvé mes habitudes, ainsi que mes habitués. Un couple qui aimait se disputer en terrasse ; ce pauvre type toujours tout seul qui n'osait jamais regarder personne ni relever la tête de sa commande ; et puis surtout ce gars, qui me faisait clairement et ouvertement du gringue.

Il était... Déroutant.

Un gros paquet de muscles. Sérieusement, je n'avais jamais vu de si près un homme aussi bien constitué. Presque trop. Trop pour moi, en tous cas ; j'avais toujours cru être insensible aux charmes des gros costauds, et encore plus à celui des mecs qui savent qu'ils sont beaux, ce qui était clairement son cas, mais je devais bien avouer qu'il me faisait de l'effet. Lequel, je ne suis pas trop sûre...

À la fois ce corps de vainqueur, de crâneur, me repoussait, et à la fois... M'impressionnait, je crois. Je me sentais toute chose à côté de lui. Toute petite, aussi. Et ça non plus, ça n'était pas dans mes habitudes.

J'avais été surprise qu'il s'intéresse à moi. Le gars sort quand même clairement de l'ordinaire, il y a plein de filles qui raffolent des muscles testostéronés - moi, je les aime bien bâtis, musclés oui, virils oui, mais pas trop non plus ; qu'ils restent humains, quoi.

Je sais que je ne suis pas moche, mais j'ai tendance à inspirer le tout ou rien : soit on est sensible à ma beauté, soit pas du tout. Je laisse rarement indifférent. Quoiqu'il en soit, je n'aurais pas pensé pouvoir intéresser un monsieur muscle, avec en plus une belle gueule...

Oui, en fait c'est ça qui me chagrinait : je l'aurais trouvé assez séduisant, sans cette perfection tellement parfaite qu'elle en devenait imparfaite à mon goût.

Donc, ce soir, comme trois à quatre fois par semaine, monsieur muscle s'était attablé seul en terrasse, s'installant face à la vitrine et non face à la rue. Ce n'est d'ailleurs qu'en le formulant que je réalise que l'objet de ses observations était définitivement moi... La seule serveuse...

Cette fois ci, il augmenta encore son flirt d'un cran, me demandant carrément à quelle heure je terminais.

Quel goujat ! Il présuppose complètement que je suis intéressée, là !?! Trouvant son approche aussi subtile que son physique de chippendale, j'ouvre la bouche pour le rembarrer, mais mes yeux trouvent les siens, et la douceur, la tendresse, presque, et l'humilité qui s'y lisent me font totalement bafouiller.

-Ahhrke beuh beuh que... Heu...

Je lisse nerveusement le tissu sur mes cuisses en essayant de rassembler mes esprits.

Oh mon dieu ! Concentre-toi !! Qu'est-ce qu'il veut déjà ? Ah oui, à quelle heure je finis, allez...

Je plonge à nouveau mon regard dans le sien en prenant mon souffle. Il a l'air amusé de me voir décontenancée, ce qui m'oblige à prononcer le début de ma phrase en le lâchant des yeux, afin de garder le cap.

Le fantasme et la bête.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant