Chapitre 16 : Il est venu

17 3 1
                                    


    Il se tenait là, juste là, en face. Une rue le séparait de lui, une minuscule rue. Il aurait pu franchir un fleuve, grimper une montagne, détruire chaque obstacle qui se serait dressé devant lui ; et il lui suffisait de traverser un passage piéton.
    Il attendit. Sa course s'arrêtait ici. Il n'était plus le maître du jeu, le prochain mouvement ne pouvait venir de lui, le deuxième joueur devait faire un choix.

    Akutagawa remarqua l'attitude de son vis-à-vis. Immobile, la tête baissée. Ses cheveux blancs, imbibés d'eau, gouttaient sur le sol, achevant de tremper ses chaussures.
    Il attendait. Plus précisément, Atsushi l'attendait lui. Mais c'était la dernière fois. Il n'irait pas plus loin, cette rue constituait sa dernière limite. Il ne la franchirait pas ; invitait le jeune homme aux cheveux noirs à le faire.

    Akutagawa était perdu avant. Il avait retrouvé un point d'ancrage en l'homme de l'autre côté du passage piéton. La pierre s'érode face à l'eau, mais il ne laisserait pas son rocher s'effriter. Il ne voulait pas se perdre à nouveau.
    Une voiture passa tandis que le jeune homme prit une grande inspiration avant de se jeter sur la route. Corps et âme unit dans la course. Quatre enjambées, et il se trouvait dans les bras d'Atsushi.

    Quoiqu'un peu plus grand que celui qui le retenait, celui aux cheveux noirs étaient recroquevillé. Leur corps s'imbriquaient parfaitement, comme une statue séparée en deux. Ils avaient enfoui leur tête dans le cou de l'autre, peinant à reprendre leur respiration. Leur souffle court s'accordait.

    Au bout d'une éternité, qui leur semblait une seconde, les deux jeunes hommes se décollèrent. Akutagawa, prenant conscience de la simple chemise de celui aux cheveux blancs, retira son manteau avec hésitation, le mettant au-dessus de leur tête dans une tentative de se protéger de la pluie. Les deux hommes se dirigèrent d'un pas lent vers ce qui leur servait de refuge.

« Je vous aurais supplié à genoux si j'avais pu, de ne pas briser le cœur qui vous aime. Toutes les fois où nous étions assis dans cet appartement vide, il n'y avait plus que vous et moi, essayant de trouver notre paradis. Les portes nous en étaient fermées.
Rien ne dure pour toujours, rien ne va comme prévu. Vous avez perdu ce qui vous attachait à moi, vous avez glissé entre mes doigts et chaque seconde passée ne reviendra pas.
J'aurais dû partir mais j'ai préféré attendre la fin de la ligne sur la dernière page, le dernier mot. Prenez moi dans vos bras, ne vous effacez pas, ne me laissez pas derrière.

Akutagawa »

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Oct 05, 2023 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

LettresWhere stories live. Discover now