Chapitre 6 : Résignation - Partie 2

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Evy prit une profonde inspiration alors que la pointe de l'aiguille pénétrait sa chair. Les yeux clos, elle essayait de se concentrer sur autre chose mais ses idées n'étaient pas des plus distrayantes. Elle revoyait le visage de Nathan, sa mort, sa femme, les autres soldats, son père, sa colère... Elle finit par rouvrir ses yeux. Le fil passait dans les tissus avant de les rapprocher pour qu'ils s'unissent de nouveau dans les jours à venir.

« Ça va ? »

Elle hocha la tête pour un « oui ». Elle continuait de respirer calmement. La douleur était moindre que ce qu'elle aurait crû. L'infusion d'écorce de saule avait bien aidé.

« Tu crois que j'ai eu tort ? »

L'aiguille s'arrêta un bref instant avant de revenir piquer la peau.

« A propos de quoi ?

– J'ai vu mon père. Il m'a dit que j'aurai dû laisser mourir le gamin. Ça aurait permis de sauver sept vies.

– C'est sûr. Et tu t'en serais voulu toute ta vie. Même si le général n'a pas tort, tu peux être sure et certaine que pas un gars n'aurait suivi un ordre pareil. Je ne vois personne qui serait resté à son poste en voyant le gosse aller à la mort. On aurait tous fait comme toi. »

Les paroles de Josh mirent du baume au cœur de la jeune femme. Son père avait sa vision des choses et elle ne pouvait pas donner totalement tort mais il semblait s'être tellement détaché de l'humain qu'il en oubliait certaines priorités. Quoiqu'il puisse en dire, aucun soldat n'aurait laissé Ricky se faire tuer sans intervenir.

« Ça lui a servi d'excuse. Désormais, il peut me retirer de l'actif avec une bonne raison et personne n'ira le contredire. »

Josh émit un simple grognement qui fit sourire la jeune femme.

« Aïe !

– Comment ça « aïe ! » ? T'as résisté à une attaque de machines, t'as sauvé un gamin de la mort et t'as tenu tête à ton père, c'est quand même pas une malheureuse petite suture de rien du tout qui va te faire mal. Chochotte !

– C'est toi qui piques mal !

– Mais je pique extrêmement bien d'abord. Si je n'étais pas là, tu aurais dû attendre encore des heures avant d'être soignée, alors arrête de te plaindre s'il te plaît et laisse-moi travailler. Sinon après, la cicatrice va être moche et tu trouveras le moyen de venir te plaindre. »

Elle en aurait ri si la situation n'était pas aussi terrible. Les râles de l'homme agonisant la ramenèrent brutalement à la réalité. Avait-elle réellement fait le bon choix ? Sauver le gamin paraissait normal mais aussi amoral que pouvait être le choix de son père n'était-ce pas ce qu'elle aurait dû faire ? Sacrifier une vie et en préserver d'autres. Après tout, c'était ainsi qu'ils survivaient depuis plus d'un siècle.

« Arrête de te prendre la tête. T'es trop fatiguée pour réfléchir de manière logique.

– Mais comment tu...

– Comme si je te connaissais pas ! Tu ressasses ce qui vient de se passer. Tu fais toujours ça. C'est pas nouveau. Quand tu auras dormi et que tu iras un peu mieux, tu y verras plus clair. Et là, tu comprendras que tu as fait le bon choix. Pour le moment, t'es sous le coup de l'émotion, de la douleur et de la peine.

– J'espère que tu as raison.

– Mais oui, j'ai raison. J'ai toujours raison. Et voilà, recousue ! Je devrais me recycler moi aussi, quitter le front et rejoindre l'intendance dans la confection de vêtements, je ferai un tabac. »

Evy ne put s'empêcher de sourire devant l'expression triomphante de son ami. Elle jeta un coup d'œil à la suture qui était vraiment parfaite. Il était incontestablement doué mais elle doutait qu'il puisse supporter de rester à la confection des vêtements. Il bouillait déjà de ne pas pouvoir aller sur le front. Rester au camp pour lui reviendrait à mettre un fauve en cage. Il deviendrait fou.

Extinction [terminé - en réécriture]Where stories live. Discover now