Une éternité

67 4 1
                                    

La tête posée contre la vitre du car, je regardais le paysage de notre capitale défiler sous mes yeux.

Nous avions quittés, ce matin même, le havre de paix dans lequel nous venions de passer ces deux dernières semaines.

Alors que j'étais plongée dans mes pensées, la casquette qui me servait de couvre chef disparu de ma tête. Je me retournais brusquement en direction du voleur, assis juste derrière moi.

Il abordait son fidèle sourire vainqueur, ma casquette dans les cheveux. Je baissai mon siège en position allongée pour me rapprocher de lui, le menton posé sur le dossier. Le brun s'abaissa à mon niveau et plongea son regard dans le mien.

Ses yeux bleus me transpercèrent l'esprit et m'envoûtèrent petit à petit. Me faisant sombrer un peu plus chaque secondes au fond de lui.

Le bas de nos visages étaient cachés par le dossier de mon siège, seule barrière entre nous, pourtant, je savais qu'il souriait. Tout comme moi.

Nos regards plongés l'un dans l'autre, je ne pensais plus à rien. Je ne voulais pas penser à la suite. Car dans quelques heures, nous allions nous quitter. Vraisemblablement pour toujours. Habitant à des kilomètres l'un de l'autre, nous n'allions jamais nous revoir. J'allais reprendre ma vie, dans ma ville, avec mes amis, ma famille. Et il allait faire de même.

Mais je ne voulais pas y penser.

Parce qu'avec lui, j'avais appris ce qu'était la sensation de calme, de tranquillité. C'était avec lui que je venais de passer mes deux dernières semaines, et sûrement les deux plus belles de ma vie. Avec lui, je me sentais tout simplement bien.

J'aurais voulu que ce moment dure plus longtemps. Que le temps s'arrête. Nous serions simplement tous les deux, seuls au monde.

Cet instant aurait pu durer une éternité. Et si j'avais eu assez de courage, j'aurais pu tendre les mains vers lui et le prendre dans mes bras. Mais je n'en ai pas eu. J'ai laissé passer ma dernière chance.

Et ce fut un vieux rap sortant d'une enceinte au son bien trop fort qui mit fin à ce moment. À notre moment.

J'ai cligné des yeux et j'ai reculé ma tête, en profitant pour récupérer ma casquette au passage. Je me suis rassise normalement et j'ai redressé mon siège.

Reposant ma tête contre la vitre, regardant le paysage de notre capitale défiler à nouveau sous mes yeux.

Et quelques heures plus tard, on se tcheckait comme deux amis, se tournant ensuite le dos pour rejoindre chacun notre train.

Je pense que je me rappellerai toujours de cet instant. Cet instant où tout aurait pu arriver, mais où rien ne s'est passé. Cet instant où j'étais en paix, absorbée par ses yeux bleus. Cet instant où j'ai tout oublié de ma vie d'avant.




Cet instant qui aurait dû durer une éternité...

AdieuxWhere stories live. Discover now