Abénakis

2. Inspecteur

EMRYS MARSHALL

Les roses rouges représentent l'amour. Le désir ardent, Agent Marshall.

Ses iris empreintes d'une obscurité sans fond sont ancrées dans la clarté des miennes, sans qu'aucun mot ne soit dit. Ma main retient son poignet, sans qu'elle ne tente quoi que ce soit afin d'installer une certaine distance entre nous. Son souffle brûlant s'écrase sur mes lèvres, alors que nous nous fusillons tous les deux du regard.

Le corbeau se tenait si près de moi, mais s'apprêtait à filer entre mes doigts.

Le rouge sombre qui habite ses lèvres me rappellent la couleur de ces pétales laissés tels un velouté délicat. Tout n'est que signes. Plus rien n'est rien n'est rationnel.

Nous analysons chacun les expressions de l'autre, alors que les secondes s'écoulent. Mon cœur bat bien plus vite que je ne le souhaiterais, alors que j'attendais ce moment depuis de nombreuses semaines. Mais alors que je peine à garder cette façade dure, un rictus rieur s'installe sur son visage d'ange. Oui, Dix se joue de moi. Elle se joue de nous tous. La situation actuelle ne semble pas la perturber, peut-être que tout était prévu depuis le début.

- Je savais que vous viendriez, je souffle tout bas sans quitter son visage des yeux.

- Je vous remercie de vous rendre là où je souhaite que vous alliez, me répond-elle sur le même ton avec ses yeux rieurs.

- Vous finirez derrière les barreaux.

- Pas ce soir.

Un sourire étire ses lèvres alors que son attention dévie vers la droite, et je suis son regard. Immédiatement, son bras m'échappe, sa peau glisse sous mes doigts. Un peu comme si sa présence disparaissait juste sous mes yeux, sans que je ne puisse rien y faire. Je comprends la manière dont elle s'efface, et je ne suis que spectateur, parce qu'il m'est impossible de la rattraper. Son corps se dissipe dans la foule d'inconnus avec tant d'aisance que j'ai du mal à réaliser ce qu'il se passe. Je ressens encore la douceur de sa peau, la chaleur de son souffle et la profondeur de son regard.

Je n'avais aucune envie de dévoiler sa présence, et c'est exactement ce qui me terrifie à cet instant précis. Ne pas ressentir l'envie de l'attraper.

Seulement, une voix résonnante dans le microphone interrompt le fil de mes pensées plus catastrophiques les unes que les autres. Les gens se dirigent tous vers les chaises en velours, en attendant avec impatience le début des enchères. Je parcourais la foule du regard, sans jamais retrouver la jeune femme dont la disparition me perturbait. Sans plus attendre, je me mêle à la richesse et la luxure de ce monde dont je fais partie.

- Bien, avant toutes choses, je suis ravi de vous voir aussi nombreux malgré les temps qui courent. Nous ne devons courber l'échine face à ces actes criminels perpétrés par la vermine de cette ville.

Ces paroles sont suivies d'acclamations et d'applaudissements plein d'hypocrisie et de colère concernant ces actions criminelles. Les portes se ferment avant que quiconque d'autre ne puisse entrer et un jeune homme que je n'ai jamais vu se positionne devant celle la plus proche de l'estrade alors que les lumières se tamisent peu à peu, ne laissant qu'un faisceau de lumière directement dirigé vers le chef de la famille Garcia.

- Ils ne sont rien de plus que de petits usurpateurs, ni plus ni moins. S'ils pensent pouvoir s'en prendre à nous, alors montrons leur toute l'étendue de nos richesses, de notre pouvoir.