Dream Is My Reality #2

33 4 5
                                    


Adam avait toujours été là, aussi loin que Lisa se souvienne.

Ils ne parlaient pas énormément, pourtant. Mais cela leur suffisait pour avoir développé une forte amitié. Ils pouvaient se comprendre sans mots, car leurs esprits étaient toujours sur la même longueur d'ondes. Lorsqu'elle s'ennuyait, qu'elle se sentait seule, ou après avoir entendu une énième réflexion sur ses étrangetés, elle pensait à lui. Il avait presque le même âge qu'elle, à un mois et trois jours de différence. Lui aussi faisait très attention à son environnement, en l'occurrence une sorte de petit chalet de bois à l'orée de la forêt de Lisa. Elle aimait bien cette cabane chaleureuse, où chaque meuble était couvert par une couverture en plaid.

Aujourd'hui justement, Lisa sentait le besoin de voir son ami imaginaire. Elle sortit de son cocon immaculé, marcha dans la mousse tapissant le chemin forestier jusqu'à la cabane en bois d'Adam.

Elle frappa quatre coups nets sur la porte, et aussitôt un jeune homme brun aux yeux noisette sortit.

"Salut, Lisa. J'allais venir te voir justement."

Il sortit, et ils s'installèrent dans l'herbe douce. Elle lui raconta sa journée, les vociférations du patron, qu'elle supportait encore parce qu'il était le seul à avoir bien voulu l'embaucher, les regards étranges que lui jetaient les gens alors qu'elle marchait dans la rue avec des lunettes de soleil sur le nez alors qu'il pleuvait...

"C'est pour éviter que les phares des voitures m'éblouissent", avait-elle expliqué.

Adam lui dit que lui avait eu du beau temps toute la journée, et que donc personne ne risquait de s'étonner de ses lunettes aux verres fumés. Il y eut un moment de silence, et puis :

"Tu habites où, toi ? Tu ne m'as jamais dit.", demanda Adam.

Prise de court, Lisa retourna la question dans sa tête. Qu'est-ce qu'il entendait par là ?

"Tu as déjà vu le cocon, non ?", répondit-elle après une hésitation.

"Non, je veux dire, dans l'autre monde. Je vis à San Francisco."

La jeune femme ne répondit pas tout de suite. Pourquoi disait-il cela ? Il habitait, comme tous les autres, dans ce monde irréel ! Il faisait partie de son imagination, c'était tout. Elle se rendit compte qu'elle avait réfléchi à voix haute quand Adam lui répondit.

"Nous sommes tous réels, Lisa. Il m'a fallu quelques années pour m'en apercevoir. Avant je pensais comme toi. Que tout cela n'était que le fruit de mon imagination. Mais Denis, tu sais, celui qui a un engin volant pour survoler la vallée, il habite dans le Nevada, par exemple. Ici, c'est une sorte de conscience collective, si tu veux. Chaque partie de ce monde est un reflet de chaque personne vivant là.", lui expliqua-t-il.

Lisa peinait à enregistrer l'information. Alors il se leva, lui tendit la main avant de se rappeler qu'elle détestait le contact de la peau, et tous deux descendirent de leur colline. Ils croisèrent l'une des autres habitants, une dénommée Susan. Elle leur expliqua qu'elle habitait dans l'Oregon, et que sa famille l'avait mise dehors à cause de son accès à ce monde parallèle. Petit à petit, d'autres habitants racontèrent leur histoire. Leurs esprits étaient tous en décalage par rapport aux autres humains. Seuls eux, les neurodivergents, semblaient avoir accès à ce monde.

Le responsable des rochers flottants, Norbert, proposa alors que tous se rencontrent. Adam proposa de se retrouver dans son café préféré, à San Francisco, et tous semblèrent partants. Même Denis sur son engin volant accepta de rejoindre le monde réel le temps de cette rencontre. Après tout, les membres du groupe n'avaient pour la plupart pas d'amis en dehors de cette dimension. 

Quelques jours plus tard, et après un long trajet en bus depuis Cincinnati, Ohio, où elle habitait, Lisa arriva à l'heure dite au café et retrouva Adam et tous les autres. En attendant les derniers, elle se commanda un verre d'eau et une tarte au pomme avec de la crème, mais fit bien attention à ce que la crème et la tarte ne se touchent pas dans l'assiette. Des conversations timides se lancèrent, la glace se brisa, et Lisa se sentait bien, entourée de gens comme elle.

Pour la première fois depuis des années, elle était comprise.

Elle n'était plus seule.

ConcoursWhere stories live. Discover now