Prologue

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A huit ans, cette frénésie désuète pour les femmes émergeait dans mon cœur. Lorsqu'à cet âge nous collectionnons de belles figurines, j'accumulais des images de mannequin en sous-vêtement. Je les trouvais dans les catalogues de ma maman. Le soir, je pratiquais avec minutie la découpe exacte de leurs courbes. Ce plaisir immaculé procurait l'anesthésie de toutes mes craintes infantiles.

Plus tard, je suis allé trouver réconfort auprès de la masturbation. Cela canalisait mes hormones en pleine effervescence. Je ne me touchais plus par envie, mais plutôt dans le but d'acquérir une certaine sécurité au quotidien. Enfin, j'ai découvert le plaisir de l'union entre un homme et une femme. L'exaltation était si intense qu'il me fallait réitérer l'étreinte. Plus souvent et avec davantage de prétendantes.

De là, j'avais décidé de troquer mon porte-vues pour un carnet de note. Sur ces feuilles quadrillées, l'encre noire fait guise de commémoration. J'énumère mes relations sexuelles et décrit le profil de mes partenaires. Je renseigne le nom, l'âge et le contexte de notre rencontre. L'intérêt est de préserver le souvenir, non pour afficher un tableau de chasse. Ceci est ma manière de respecter et remercier chacune d'elles.

Je suis actuellement à cent quatre-vingt-dix-huit conquêtes. Je n'ai pas vu ce chiffre s'accroitre. Je pourrai l'expliquer par le fait qu'une année possède environ cinquante-deux week-ends. Mon donjuanisme est plus accru quand je fais la fête avec mes amis. C'est aisément que les pages du calepin se remplissent. J'ai une légère dépendance, quelque peu excessive. Je m'en émanciperais si c'était maîtrisable. Je m'en débarrasserais si c'était périssable.

En semaine, je ne peux passer un jour sans me masturber ni même consommer de la pornographie. Qu'importe mes humeurs : que je sois triste, angoissé, stressé même heureux à souhait. Il me faut ressentir la jouissance que la masturbation m'apporte.

Lors de mes nuits festives, mon sang devient plus brûlant que la lave. J'aime les femmes au sens global du terme. L'ébullition qu'elles dégagent. Ce don de nous envouter d'un clin d'œil. C'est comme ne pas avoir le moyen de se cacher du soleil avant que ses rayons ne nous brûlent. Les femmes ont, pour moi, trois atouts physiques. Ceux-ci accentuent ou non les effets qu'elles émettent. Tous les hommes les citeraient sans même avoir le besoin de réfléchir : la poitrine, les fesses et les yeux. Chacun possède son ordre de préférence. Pour ma part, cet ordre est le mien.

Depuis la cent-cinquantième, mes pulsions me mettent à rude épreuve. Mon manque de ponctualité étonne mes professeurs. Mes séances de masturbation me prennent plus de temps, au matin. Ma concentration en cours est moindre, quoiqu'elle n'impact pas mes résultats scolaires. Mes proches me trouvent irritables. Il paraitrait que je démarre au quart de tour pour un rien. Je ne me rends pas compte de m'emporter ainsi. Très récemment, j'ai négligé un entretien professionnel. Ma vie défaille. Freiner des quatre fers est péremptoire.

A la requête de solution, j'ai vagabondé entre clavier et souris toute la matinée. J'aimerais maîtriser cette assuétude. La toile m'informait qu'il n'y avait pas de traitement chimique afin de lutter contre l'addiction. De nombreux forums, quant à eux, prônaient l'efficacité des thérapies de groupe. Je me suis renseigné sur les séances pouvant être proche de Reims. J'ai trouvé quelque chose qui, en apparence, serait intéressant. L'horaire me convenait. Nous serions un petit groupe. Cette annonce a été publiée la veille dans la soirée. Ayant besoin d'en savoir plus pour sauter le pas, j'ai appelé le numéro indiqué. D'une voix honteuse, j'ai balbutié :

- Bonjour, je m'appelle Isaac. J'ai vingt-trois-ans et je souffre d'une d'addiction au sexe.

Nos noms après la virguleWhere stories live. Discover now