Les lueurs de l'aurore

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Et elles avaient fini par arriver.
Plusieurs mois étaient passés depuis notre séparation, et je me remettais petit à petit.

La solitude, étouffante et cruelle, s'était, au fil du temps, changée en une véritable libération.
Être seule m'avais permis d'être moi-même, indépendante, libre et merveilleusement sereine.
Un délivrement.

J'avais toujours pris la solitude comme une ennemie, un mauvais plan à éviter à tout prix, une honte presque, qui m'empoisonnait l'existence, et que j'avais en effroi.

Mais tu m'avais finalement appris cela. Non content de m'avoir rendue heureuse pendant si longtemps, de m'avoir fait découvrir tant de choses, même ton départ avait été une leçon.

Ce fut ainsi que je le pris en tout cas.
Ton départ chamboula ma perception des choses de la meilleure des manières.

***

C'était un matin d'été comme les autres. Il devait être tout juste cinq heures du matin, lorsque j'ouvris les yeux sur ma chambre. Cette même chambre où j'avais vécu tant de choses, dont toi. Dont nous.

C'était un matin d'été comme les autres : le soleil se cachait encore derrière l'horizon, les oiseaux commençaient à gazouiller, réveillant le petit monde des arbres, et le bruit des voitures résonnait déjà de temps en temps dans la rue, cinq étages en dessous.

Je me levai, passant une robe, agréablement surprise de l'heure matinale à laquelle j'étais éveillée. Peut-être pourrai-je voir le lever de soleil ? Il n'y avait rien de plus merveilleux que les premières lueurs de l'aurore qui s'infiltraient, timidement, par ma fenêtre ouverte.
Une légère brise remuait le rideau, apportant une odeur de pluie. Je me dirigeai vers ma fenêtre, observant un instant le monde qui se réveillait.

La rue était encore dans l'ombre, et des tâches sombres restaient ça et là, flaques témoins des intempéries nocturnes.

En bas, un café était en train d'ouvrir. Le serveur disposait les chaises en tâchant de ne pas faire trop de bruit en les raclant sur le sol. Cela donnait un ménage adorable.

Je retins mon souffle un instant, et appréciait le calme absolu qui régnait.

Il n'y avait que dans la solitude qu'un tel calme pouvait exister. Une sérénité parfaite.

Je descendis dans la rue. Vue d'en bas, elle semblait diamétralement différente. Des rayons de lumière se reflétaient dans les fenêtres, et sur les cheveux des rares passants. Quelques voix pouvaient être entendues, mêlées de rires et de bâillements ensommeillés.

Je m'assis au café.

-Vous attendez quelqu'un ? demanda le serveur en approchant

-Je suis seule. répondis-je

Un sourire fleurit sur mes lèvres. C'était fou à quel point cela faisait du bien de dire cela. J'étais seule, et c'était la plus belle chose qui me soit arrivée.

La solitude, ce n'est jamais qu'apprendre à s'aimer.

-Vous prendrez ?

-Un chocolat chaud, s'il vous plaît.

Le serveur se détourna.

Je continuais de regarder la rue, le sourire au lèvres. Une chanson trottait dans ma tête, et mon pied battait la mesure doucement.

Il fallait croire que la vie était belle.

Pas loin, un jeune homme s'assit à la terrasse.

-Vous attendez quelqu'un monsieur ? demanda le serveur

-Non, je suis seul.

Il prit sa commande, et le serveur s'éloigna en nous fixant tous les deux comme si nous étions des êtres étranges et mystérieux.

Le serveur revint et posa une tasse devant moi. Je fronçai immédiatement du nez. L'homme en face se leva, ammenant sa tasse.

-C'est à vous, le chocolat ? demanda-t-il

-Et le café à vous ?

Il eut un petit rire, et échangea nos tasses.

-La place est libre ? demanda-t-il en montrant la place en face de moi

-Je suis seule, dis-je en hochant la tête.

-Je peux être seul avec vous ?

-Soyons seuls à deux.

Nous eûmes un petit rire et le silence retomba.

La solitude, ce n'est jamais qu'apprendre à s'aimer, pour pouvoir aimer les autres.

Les lueurs de l'auroreWhere stories live. Discover now