Chapitre 26

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Enéa pâlit si fortement qu'il crut un instant qu'elle allait s'évanouir à nouveau. Il songea même à ravaler sa question, pourtant tout à fait légitime. Lorsqu'elle était apparue derrière lui, dans la cour, son premier réflexe avait été de brandir son épée. Bon sang, il aurait pu la tuer ! Il avait eu si peur qu'une colère noire avait rué presque instantanément dans ses veines en réponse, parce qu'il s'en était voulu d'avoir eu une telle frayeur, d'avoir eu peur pour elle. Il savait parfaitement, en son for intérieur, ce que cela signifiait pour lui, et il n'était clairement pas prêt à affronter cette éventualité. Il aurait pu se cacher derrière le fait qu'il était normal de paniquer lorsque l'on brandit une arme sur une personne innocente, et même sur son épouse, mais il n'était pas de ceux qui préfèrent se voiler la face.

En revanche, après cela, il avait eu le réflexe, heureux et malheureux à la fois, de chercher à détourner sa colère sur autre chose qu'elle. L'objet de sa terreur aurait fait un substitut idéal. Mais il n'avait alors pas compris à quel point elle avait eu besoin de lui. Ce n'est que lorsqu'elle avait rendu le contenu de son estomac, à demi consciente, alors qu'il l'arrachait un peu trop brusquement des bras d'Eliott dans un élan purement possessif et totalement déplacé — le jeune homme avait dû depuis longtemps renoncer à ses espoirs concernant la jeune femme — qu'il avait constaté l'étendue de sa détresse.

Et maintenant, encore, quelque chose que partageaient les deux jeunes femmes et dont il ne savait rien la faisait blanchir de terreur.

— Allez-vous me dire de quoi il en retourne à la fin ?

Enéa conserva d'abord un silence criant, qui faillit bien le mettre hors de lui, mais soudain ses yeux s'écarquillèrent et elle sembla s'animer à nouveau.

— J'ai la preuve ! Votre oncle, c'est bien lui l'homme dont mon père parlait, l'Anglais !

Maxence fut tellement surpris qu'il crut un instant avoir mal entendu. Il voulut lui demander de répéter, puis, de nouveau, une terreur sourde gonfla dans sa poitrine.

— Êtes-vous blessée ? A-t-il levé la main sur vous ? s'enquit-il donc plutôt en reprenant là où il s'était arrêté.

— Non... pas tout à fait. Il m'a touchée, mais...

L'exclamation de fureur que poussa Maxence l'interrompit dans sa réponse et avant qu'il ne songe à se calmer, il tentait à nouveau de lui arracher sa robe sans se soucier de la présence de la guérisseuse MacBain dans la pièce.

— Où vous a-t-il touchée ? s'exclama-t-il lorsqu'elle essaya de lui arracher le tissu des mains.

— Maxence, je vous en prie...

— Laird ! Vous lui faites peur ! cria soudainement Bree en s'interposant entre eux.

La porte s'ouvrit alors dans un grand bruit — elle allait finir par sortir de ses gonds si l'on n'y faisait pas attention — et Eliott entra d'un grand pas, talonné par Calum qui, Maxence n'aurait su le dire, tentait de retenir ou de pousser son acolyte de toujours.

— Milady ! s'écria Eliott en bondissant à nouveau vers la jeune femme.

Donc, ils attendaient quelque part derrière la porte. Maxence se rappelait en effet vaguement les avoir entendus derrière lui alors qu'il montait les marches quatre à quatre, Enéa inconsciente dans les bras. Il aurait été incapable de détourner le regard de son visage, de son teint devenu cireux et blafard, quand bien même il aurait été poursuivi par l'armée d'Angleterre, de toute façon.

À cause de leur présence, cependant, la scène était devenue bien trop chaotique, et cette fois-ci il anticipa la réaction de sa malheureuse épouse et arrêta Eliott dans sa course en même temps qu'elle se recroquevilla contre la tête de lit.

L'appel de la libertéWhere stories live. Discover now