Chapitre dix-neuf

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  Lorsqu'Aysha entendit la voix d'Albus lui demander d'entrer, elle sentit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Elle ouvrit la porte lentement et vint s'asseoir face au professeur sans un mot.

  — Aysha, finit par murmurer Dumbledore.

  — Ai-je raison de penser que la discussion que vous avez eue avec April vous a quelque peu... perturbé ?

  — Je crois que je ne peux répondre par la négative.

  — Cela ne m'étonne plus. Je crois connaître suffisamment April pour savoir qu'elle peut plonger sans difficulté et sans scrupule n'importe qui dans un trouble sans source précise.

  — C'est bien l'une des choses qui la définie. Elle a un réel talent pour rendre le certain incertain.

  Ils s'échangèrent un sourire, à la fois complice et compatissant, et Aysha demanda :

  — Je doute que vous nous ayiez convoquées, car vous nous soupçonnez de ne pas être fidèles à votre cause.

  — Tu fais toujours preuve d'une grande perspicacité.

  — Ravie de l'entendre. Je suppose que vous avez prévu de vous assurer que je vais bien, ce qui est inutile. Emy et moi n'étions pas proches et Dean... Le qualifier d'ami serait déjà de trop.

  — Et Leta ?

  Aysha ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son n'en sortit.

  — Je me doutais bien que la mention de notre défunte amie aurait cet effet, admit le professeur.

  — Je ne souffre aucunement de sa mort, répliqua finalement l'Auror. Et si vous trouvez cela étrange, pensez-vous qu'il est possible de perdre quelque chose que l'on a plus ?

  Face à l'air d'incompréhension de son interlocuteur, elle s'expliqua :

  — J'ai perdu Leta longtemps avant sa mort. Mon deuil avait été fait avant même qu'elle ne cède au trépas.

  — La question me paraît donc évidente, répondit Albus.

  — La question ? Quelle question ?

  — As-tu réellement fait ton deuil ?

  L'Occlumens ne sut quoi dire. Elle fixa le professeur, cherchant ses mots. Mais rien ne venait. Tout ce qu'elle ressentait, c'était une colère – une haine – envers celle qui fut son amie. Cette haine qu'elle s'était infligée à elle-même pour ne pas l'infliger à autrui. Elle avait appris à haïr avant de savoir parler. Et, il était vrai que ressentir tant de haine envers les autres l'avait poussée à se détester elle-même. Elle avait haï des amis. Elle avait haï Albus. Elle avait haï Leta. Elle avait haï – non –, elle haïssait Thésée. Elle savait que cela finirait par la consumer complètement.

  — Tu n'as pas à être seule dans ce combat intérieur, Aysha, la rassura le professeur.

  — Vous devez savoir, non ? Savoir à quel point il est difficile d'aimer et haïr de tout son être une personne. C'est ce que vous ressentez, n'est-ce pas ?

  Des larmes emplirent les yeux de l'Occlumens. Mais il ne s'agissait pas de tristesse, ni de désespoir. Il s'agissait de larmes de colère. De larmes d'une haine trop longtemps retenue. Elle ne pleurait pas. Elle ne riait plus.

  — Vous le savez, non ?!

  Sa voix résonna dans le bureau et, malgré l'air effrayant peint sur le visage de la jeune femme, Albus Dumbledore n'avait pas peur. Il continuait de respirer la plénitude.

  — Comment pouvez-vous rester si impassible ? s'énerva l'Auror qui semblait avoir abandonné le peu de raison qu'il lui restait. Tout cela ne vous affecte-t-il donc pas ?

[PREMIER JET] Les Animaux Fantastiques - Tome 1 : Le Pacte de SangWhere stories live. Discover now