Chapitre 7 - Faisons une trêve (2)

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— Quand même… Je suis désolé, insiste-t-il avant de me rendre ma photo.

Et ses excuses me touchent. Si Sun a bien un défaut, c’est qu’il n’est généralement pas du genre à se remettre en question. Je le connais depuis cinq ans et je n’ai jamais réussi à lui faire entendre raison lorsqu’il avait une idée en tête. Alors, le voir revenir sur son comportement en s’excusant — même s’il ne s’agit que d’un timide « je suis désolé » — est quelque chose d’assez étonnant.

— Ce n’est rien, ne t’en fais pas, soufflé-je plus par politesse qu’autre chose.

Mais il sait très bien que ce n’est pas rien. Je ne me serais pas terré dans ma chambre pendant presque deux semaines si son comportement ne m’affectait pas. Il en a inévitablement conscience.

— Et je suis désolé pour l’autre soir. Je n’aurais pas dû réagir comme ça ou même me mêler de ta soirée, ajoute-t-il.

Mais cette fois, cela a l’air plus difficile à admettre. Et je ne sais pas si ses regrets sont très sincères. Je ne suis pas certaine qu’il s’en veut réellement d’être intervenu.

— Je n’aurais pas fait entrer Oliver, tu sais ?
— Tu semblais pourtant assez convaincu par ses arguments, marmonne-t-il en détournant le regard.
— Je ne te pensais pas du genre à écouter aux portes, me moqué-je. Mais non, je n’aurais pas cédé. Ne serait-ce que parce que je sais l’effet que ça me ferait si je te voyais ramener une fille dans ta chambre.

Mes derniers mots lui font relever la tête instantanément et il pose sur moi un regard curieux, comme s’il attendait que je développe ce sujet. Mais j’en ai déjà bien trop dit. Alors, je me contente de retourner à mes cartons pour le laisser tirer ses propres conclusions. Il reste à mes côtés quelques instants, mais il prend un moment avant de prendre la parole. Si bien, que je suis surprise d’entendre sa voix grave résonner à nouveau.

— Peut-être qu’on devrait arrêter de faire semblant.

Je me fige sur place, les mains dans mes cartons. Arrêter de faire semblant ? Qu’entend-il par là ? Mon cœur se met à accélérer dans ma poitrine. Méfiante, je reporte mon regard sur lui et devant mon expression confuse, il reprend.

— De faire semblant de s’apprécier juste devant les autres. On était réellement amis à une époque. On pourrait repartir de zéro, oublier mon accueil désastreux et apprendre à s’apprécier pour de vrai ?

A-t-on déjà été réellement amis ? Tout cela me semble si lointain que tout est flou. Je ne peux m’empêcher d’être méfiante. Il m’a fait beaucoup de mal et pour cela, il n’a jamais demandé pardon. Je ne sais même pas s’il a conscience des dégâts qu’il a créés. Et aujourd’hui il parle d’amitié ?

— J’ai changé ces trois dernières années. Je ne suis plus la Neela que tu connaissais.
— Et je ne suis plus le même non plus. Mais qu’est-ce qu’on a à perdre à essayer de se comprendre et à vivre dans une bonne entente ?

Il n’a pas tout à fait tort, mais cela reste difficile à admettre. Passer l’éponge si simplement et faire comme si de rien n’était n’est pas une mince affaire.

— Neela, je suis fatigué de me battre en permanence avec toi. Faisons une trêve, je t’en prie.

Moi aussi je suis épuisée de cette tension, de devoir vivre avec quelqu’un que je dois esquiver en permanence, de ne jamais me sentir à l’aise. En réfléchissant ainsi, une trêve ne semble pas si terrible. Je n’oublie pas mon ressentiment, mais peut-être que je peux le mettre de côté pour une cohabitation plus apaisée.

SUNSETOnde histórias criam vida. Descubra agora