✧ Le bol ✧

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TW : mention très très imagé de suicide



"Toi,
Toi qui était là à chacune de mes premières fois.
Toi qui les a partagées.
Notre première rentrée en maternelle,
Notre dernière rentrée en primaire,
Notre premier baiser au collège, le premier d'une longue série,
Notre réussite au Brevet, puis au Bac,
Notre premier appart et toutes les galères qui vont avec.

Je me souviens que nous avions acheté beaucoup de vaisselle car c'était une des seules chose que tes parents ne nous avaient pas offert. Parmi toute cette vaisselle il y avait un bol, un bol blanc, un bol tout ce qu'il y a de plus classique mais il t'avait tapé dans l'oeil alors tu l'avais acheté. Ce bol dans lequel tu buvais ton chocolat chaud tout les matins. Ce bol que tu adorais.

Nous vivions ensemble, c'était "trop génial", enfin c'est comme ça que tu le disais. Et je le pensais aussi, je le pense toujours.

Au travail tu avais du mal, tu souriais de moins en moins. Quand je te demandais comment tu allais, tu répondais "je vais bien ne t'inquiètes pas"."ne t'inquiètes pas" ces mots que j'ai entendus si souvent de ta bouche, tu ne souhaitais inquiéter personne pourtant c'était souvent le contraire. Moi, je te connais, je sais que ça n'allais pas aussi bien que tu le prétendais. Pourtant je n'insistais jamais quand tu me disais ça.

Pourquoi ? Pourquoi je n'ai pas insisté à ce moment-là ? Ce jour là ? Ce jour où tu avais les yeux rougis en rentrant. Les yeux rougis sûrement dû à des pleures. Pourquoi ? Je sais pourtant que j'aurais dû car tes sourires n'étaient plus juste rares, mais complètement inexistant. Tu pleurais le soir, je le sais. Il m'est arrivé de t'entendre quitter le lit pour aller pleurer ailleurs, silencieusement. J'aurais dû t'en parler et ne pas attendre.
J'aurais dû, et je regrette de ne pas l'avoir fait. Accepte mes excuses je t'en supplie.
Je sais bien que ta vie n'était plus aussi heureuse qu'avant à mes côtés.

Un matin, pendant que tu buvais ton chocolat dans ton bol, tu m'as dit que tu rentrerais plus tard à cause d'une réunion. Ce matin où je t'ai déposé un léger baiser sur le front avant de te souhaiter une bonne journée. En tout cas, bonne ou pas, cette journée je m'en souviens. Ma journée ayant été fatigante, j'allais prendre une douche bien chaude. Ensuite, des céréales furent servie dans un bol, c'était le tien, tous les autres étaient au lave-vaisselle. J'ai commencé à manger avant d'apercevoir un papier sur la table, dessus tu avais écrit quelque chose. C'était presque illisible, tu avais sûrement écrit ça dans la précipitation. J'ai récupéré le mot, j'avais toujours ton bol dans les mains, me tenant debout.

Crac. Je ne saurais dire si ce fut le bruit de mon coeur, du bol s'écrasant par terre ou le bruit de mes mes genoux rejoignant le sol à la vue des mots déchirants gravés noir sur blanc dans ta lettre. Tu n'étais plus là, tu avais décidé de partir loin de moi. Tu avais choisi de rejoindre un autre univers que notre petite bulle de bonheur, une bulle sûrement trop petite pour toi. Ta lettre se finissait par ces cinq mots aujourd'hui encrés en moi : "excuse-moi, je t'aime"

J'ai longtemps nié le fait que ce n'était pas un abandon, mais simplement le choix de recommencer à zéro, ailleurs, loin de moi.

Je te pardonne. Je te pardonne de ne pas avoir eu la force de rester au près de moi.

Voici ma lettre d'adieu. Je rejoins moi aussi un autre monde. Je m'envole quelque part dans le ciel. Ce ciel qu'on admirait depuis la fenêtre de notre chambre, sans savoir qu'il était plus près de nous qu'on ne le croyait."

Recueil De Textes Where stories live. Discover now