𝖡𝖾𝗅𝗅𝗈𝗇𝖺 𝗌𝖾 𝗌𝖾𝗇𝗍 𝗌𝖾𝗎𝗅𝖾 𝖾𝗍 𝗌𝗉𝗅𝖾𝗇𝖽𝗂𝖽𝖾.

85 17 14
                                    

Au milieu d'un amas de faunes et de flores empestait constamment une odeur de cigarette échouée près de lippes craquelés de sanglots. Les feuilles des arbres, bien qu'encore verdies par les derniers rayons ardents du soleil, précipitèrent leurs chutes sur le gazon, et offrirent à Bellona un arbre squelettique dressé sous sa fenêtre.

Et, tandis que le papier empoisonné se sépara de ses lèvres, ses iris quittèrent le vide pour s'échouer près d'une toile sans peinture. Aucune courbe ne vint embellir le beige sur le bois, et les pinceaux abîmés de la jeune femme restèrent secs. Le pot d'eau renversé sur son tabouret n'avait pas suffi à Bellona pour lui extirper ses derniers espoirs.

Sa tunique, d'un seul mouvement, s'envola, et offrit à plusieurs spectres la vue d'une dentelle trop indécente à leurs yeux. Elle qui tournoyait seule dans son salon, se fichait de dévoiler ses courbes à la solitude qui l'accompagnait sans cesse. Néanmoins son teint basané vint à nouveau se camoufler sous un bout de satin, lorsque Bellona décida de tirer sur sa feuille.

Elle dévoila sa langue pour détruire toujours plus ses organes, et expira un nuage de venins. Le seul sourire qu'elle laissait sur ses traits apparut lors de sa dernière inspiration, après laquelle elle écrasa sa cigarette sur un vase brisé.

La brune zigzagua autour de vêtements sales, d'un gâteau entamé qu'à moitié, de livres aux pages arrachées, et enfin de papiers froissés : un voile de rature pour dissimuler un homme inconnu dessiné sous des traits aussi sensuels que la posture de Bellona, des visages distordus par les feuilles déchirées, et enfin, une poubelle pleine à craquer d'efforts perdus d'un seul coup de paumes et de doigts.

Son art s'était perdu.

Elle n'était plus satisfaite de ce qu'elle faisait, et son seul remède était le poison.

Désormais assise face au vide, elle glissa son index tout autour du tissu épais dressé devant elle, et pencha finalement pour un nouveau tas de tabac. Son tabouret voulut flancher lorsqu'elle attrapa sa boîte à trésors, mais le pied de la jeune femme vint équilibrer la balance accompagné d'un léger haussement de sourcils.

Une petite feuille translucide cachée par ses lèvres, tandis que ses mains fouillaient pour toujours plus de poison, Bellona grogna d'impatience. Une fois son papier en main, elle y étala le venin de ses maux, et laissa le plaisir lui écraser la poitrine pour en ressortir un soupir. La flamme qui ne s'était pas emparée de son cœur alluma sa clope après quelques essais, et enfin elle put se concentrer sur sa peinture presque neuve.

Ainsi, des heures durant, elle laissa une mélodie abstraite la guider dans ses gestes. Elle offrit à son corps quelques plaisirs éphémères associés a toujours plus de tabac. Un amas de maux vint alors embrouiller son esprit, mais elle peignait. Sa propre douleur l'accompagna. Tout ses petits mouvements lui firent mal, mais son pinceau se frottait enfin à la toile, et décora le tissu d'un torrent d'émotions aussi explosives qu'une dynamite.

En se penchant plus sur son œuvre, sa poitrine se dévoila entièrement, et glissait au travers du satin blanchâtre. Jamais elle ne replaça l'une de ses bretelles, ses yeux restèrent coincés sur le mélange de couleurs posé devant elle maladroitement. Certains traits manquaient de charme, alors elle vint les brosser d'un coup de pinceau. Les poils couverts d'un alliage parfait entre le bleu et le jaune contournèrent les angles de la toile, et offrirent à Bellona un décor champêtre.

C'est ce qu'elle avait espéré.

Quelques minutes plus tard, l'une de ses mains s'occupa de frotter sa tempe. Quelques unes de ses mèches voulurent l'empêcher de terminer son œuvre. Au final, elle se retrouva elle-même décorée d'une tâche verdâtre délicatement posée sur son front. Une seconde fois, elle envoya sa paume recouvrir ses seins, sans jamais oser leur offrir un regard.

Les gerçures sur ses lèvres s'accentuèrent, les canines de la brunette s'amusaient sans cesse à les lui arracher brutalement. Mais elle était trop concentrée dans son univers idyllique pour laisser son esprit flancher sur un détail comme celui-ci.

Elle avait retrouvé son art.

Admirative, essoufflée, satisfaite, Bellona se mit à sourire. Paradoxalement, son corps lui réclama encore plus de poison tel un enfant capricieux. Bellona était une mère ivre, elle cédait à tout ce qu'on lui demandait. Mais puisqu'elle dérivait au travers d'une existence solitaire, elle ne s'écoutait qu'elle-même.

Une énième fois alors, elle prit le temps de s'offrir un souffle onirique. La main posée sur le front, et le cœur fondu autour du poison, elle osa fermer les yeux. Son tabouret ne mit que trop peu de temps à s'échouer de la même manière que la brunette. Et, tandis qu'elle expirait son dernier plaisir, le venin s'occupa de s'engouffrer dans le cœur de pierre de Bellona, et l'acheva.

Elle mourra, en laissant son imagination flâner sur une toile aux traits maussades.

𝗮𝗿𝘁 𝗲𝘁 𝗰𝗶𝗴𝗮𝗿𝗲𝘁𝘁𝗲𝘀.Where stories live. Discover now