Chapitre 1 - Disparition inquiétante

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À l'autre bout du fil, on décrocha au bout de la deuxième sonnerie.

— Allô ? Miki ? interpella immédiatement son interlocutrice une voix dévastée.

— Oui, c'est moi !

— Au secours ! Il faut que tu m'aides ! C'est un cauchemar !

Miki se mit à paniquer face à ostensible détresse qui l'éclaboussait à travers le combiné du téléphone.

— Kaori ? C'est toi ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Ryō n'est pas avec toi ?

***

Les mains croisées sur la nuque, et le regard hagard, égaré dans les quelques nuages qui surplombaient la ville de leur langueur estivale, Ryō revenait cahin-caha de la gare de Shinjuku.

— Pff ! Kaori ne va pas être contente ! marmonnait-il dans sa barbe. L'écriture sur le tableau des messages est celle d'une femme. Mais vu l'état de nos finances, on aurait bien besoin d'une nouvelle mission.

Depuis sa demande en mariage, et plus encore depuis leur union officielle, trois mois auparavant, Ryō avait pourtant fourni de nombreux efforts de comportement envers la gent féminine par respect pour son épouse, et pour une bonne raison. À présent, il n'avait plus à dissimuler ses sentiments par ses provocations incessantes vis-à-vis d'elle, dont celles désobligeantes envers les autres femmes. Bon... Il lui était encore arrivé une ou deux fois, par vieux réflexe, d'émettre un commentaire déplacé à l'égard de certaines charmantes damoiselles croisées dans la rue, accompagné d'un mokkori au garde-à-vous... Difficile de chasser entièrement le naturel...

Néanmoins, il avait enfin bien retenu la leçon puisqu'à ces occasions, sa charmante, mais non moins caractérielle épouse, l'avait rappelé encore à l'ordre à coups de massue bien sentis.

Il ne pouvait pas lui en vouloir, au contraire... Il s'en voulait plutôt à lui-même de lui causer quelque tourment supplémentaire, même si bien involontairement. Mais au demeurant, ces petits dérapages avaient ravivé la jalousie maladive de sa femme dont elle ne parvenait pas à se défaire totalement...

Enfin... il espérait au moins qu'elle se sentait mieux, elle qui, à sa grande stupéfaction, lui avait demandé de se rendre au tableau des messages à sa place. Elle devait vraiment être malade pour l'y avoir envoyé au risque qu'il lui cache justement la demande d'une potentielle jolie cliente...

Pourtant de ça non plus, il n'était plus question. Toutefois, il faudrait sûrement du temps à la jeune femme pour lui faire vraiment entièrement confiance, et sans doute à raison après toutes ces années où il l'avait martyrisée de par son attirance exacerbée pour les femmes et ses remarques blessantes sur son propre physique...

Perdu dans ses préoccupations et inquiet pour la santé de son épouse, pour une fois, il ne remarqua pas l'ombre qui le filait...

Celle-ci avait l'air grave et contrarié. Bon sang ! J'ai pourtant étudié leurs habitudes assez longtemps avant de passer à l'acte aujourd'hui ! C'est cette garce de Kaori qui aurait dû se rendre à la gare de Shinjuku ! songeait-elle en éructant. Tant pis pour cette fois ! Heureusement que j'avais anticipé cette possibilité. La prochaine occasion ne devrait pas tarder à se présenter. Rentrons vite pour ne pas la rater !

Accompagnant la pensée par le geste, dans un froncement de sourcils, et un sourire en coin mauvais, machinalement, l'ombre posa la main sur la crosse de son revolver tout en rebroussant chemin. Elle habitait à peine à deux rues de l'immeuble du couple. Elle serait donc vite en place pour instruire la suite de son plan.

***

— Kaori ? appela Ryō en gravissant de son pas nonchalant les marches qui menaient au salon.

Pas de réponse... Bizarre... Peut-être dormait-elle après tout. Si elle était vraiment aussi souffrante que ça, elle avait de toute façon besoin de repos.

— Kaori ? réitéra-t-il néanmoins au moment d'ouvrir la porte de la pièce à vivre de l'appartement qu'il partageait avec elle.

Tout de suite, il déporta son regard vers le divan, là où campaient sa femme et son indisposition au moment de son départ. Vide...

Il balaya les lieux de ses prunelles ébène quelque peu alarmées... D'un pas plus alerte, il passa en revue tous les endroits où était susceptible de stationner sa dulcinée. La cuisine, la salle de bains, les toilettes, leur chambre... Même le toit où elle avait hypothétiquement décidé de prendre l'air pour soulager son malaise... Personne...

Contrarié par son incompréhensible absence alors qu'elle avait vraiment l'air mal en point quand il l'avait abandonnée quelque temps plus tôt, il pinça des lèvres.

Cependant, ne souhaitant surtout pas s'imaginer un potentiel pire, il préféra supputer que peut-être, se sentant mieux, elle s'était rendue au café Cat's Eye.

Quand ils n'avaient pas de clients, ils y squattaient quasi quotidiennement, Kaori papotant inlassablement avec Miki, et lui s'ingéniant à tarabuster la tête de poulpe par tous les moyens possibles et inimaginables...

En tout cas, cette conjecture tomberait à pic si elle venait à se confirmer. Il allait donner rendez-vous à leur potentielle nouvelle cliente là-bas. Ainsi, Kaori serait présente pour leur premier entretien avec elle, et elle serait en position de poser son veto le cas échéant. S'offrait par la même occasion la parfaite opportunité de lui prouver qu'à présent, elle n'avait réellement plus à craindre qu'il lui cache quoi que ce soit et ainsi d'affermir sa confiance en lui.

Il redescendit au salon et s'empara plus sûr de lui que jamais du combiné du téléphone...


City Hunter : Le S.O.S de KaoriWhere stories live. Discover now