Première partie

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17 heures, la sonnerie retentit, marquant la fin de mon cours de maths. Comme à son habitude, le prof nous retient un peu plus, cette fois-ci pour finir sa démonstration par récurrence. Je ferme mon cahier sans finir de la prendre en note, le range dans mon sac et attend qu'il veuille bien s'arrêter. J'ai du mal à tenir en place, toute l'agitation autour de moi, notamment les bruits des élèves qui discutent et qui rangent leurs affaires, ne fait qu'augmenter ma frustration. J'ai besoin de relâcher toute cette tension, et vite. Enfin le prof pose sa craie et nous pouvons sortir. Je sors mon smartphone en me levant, afin de prendre rapidement en photo la fin de la démonstration qu'il me manque, et sors. Dans le couloir je me faufile entre les élèves des différentes classes, descend l'escalier et atteint la sortie principale. Là encore, je dois jouer des coudes pour m'extraire de la foule qui s'est formée à la sortie. Je sens que mes pulsions sont en train de revenir, une rage dévorante, ahurissante est en train de me consumer, sans aucune vraie raison. Le simple fait de me retrouver au milieu de tant d'étudiants, profitant d'une vie tranquille que je n'aurais jamais me met hors de moi. Je pense qu'au fond je suis jaloux, que ce soit de leur capacité à se lier ou de leur vie qui semble si heureuse, si loin de la mienne. Tout à mes ruminations, j'ai bien avancé et me trouve maintenant au niveau d'un grand carrefour, à peu près à mi-chemin de chez moi. L'atmosphère parvient un peu à me détendre. J'ai toujours aimé ces soirées d'hiver nuageuses où l'on ne peut apercevoir le sommet des gratte ciels, seulement une lueur diffuse dans le ciel. En continuant mon chemin, je repense aux paroles de mon psychiatre qui essayait de m'enseigner comment gérer ma colère. Mais j'ai beau essayer, les méthodes de méditation que l'on m'a apprises ne font pas disparaître ma colère, elles reportent seulement le moment de l'explosion. En songeant à mes derniers craquages, je me gratte machinalement le bras gauche, celui qui porte les marques des sévices que je me suis infligés. En effet, j'ai découvert il y a un peu moins d'un an que la vue du sang, dont le mien, parvenait miraculeusement à me calmer. J'ai à plusieurs reprises mis à profit cette macabre découverte, en m'entaillant lorsque je sentais que j'étais à deux doigts de perdre le contrôle. Malheureusement, mes crises sont trop fréquentes pour mon corps, qui ne peut pas suivre le rythme et il m'est donc arrivé à plusieurs reprises de m'évanouir dans ma chambre de la demeure familiale. C'est ainsi que ma mère m'a découvert gisant au sol de ma chambre, il y a quelques semaines. Elle m'a aussitôt envoyé chez le médecin, auquel je n'ai pas pu cacher mes nombreuses cicatrices. N'ayant rien pu tirer de moi, il m'a prescrit des consultations chez le psychiatre, qui s'est mis en tête de m'enseigner à gérer ma colère par la méditation. Mais j'ai vite compris que ces quelques méthodes n'allaient pas m'aider à me calmer. C'est alors qu'a commencé ma longue descente aux enfers. Car très vite, une idée m'est venue, si je ne peux faire couler mon propre sang sans risquer de m'évanouir, ce n'est pas le cas de celui des autres. Et c'est ainsi que je suis arrivé là où j'en suis maintenant, c'est-à-dire à me déplacer avec un couteau sur moi en permanence. En effet, vous ne rêvez pas, un étudiant d'à peine 20 ans vient d'avouer qu'il faisait couler le sang des autres pour apaiser sa propre colère. Et c'est d'ailleurs ce que je m'apprête à faire, car je sens mon sang bouillir et il faut que je fasse quelque chose pour me calmer. Tiens, tout à mes pensées je n'ai pas remarqué que j'arrivais dans ma rue. Je traverse afin d'arriver du bon côté de la rue. Ma maison ne se trouve plus qu'à quelques pas. Dans ma tête, je pense déjà à la suite. Ce n'est pas la première fois que je vais faire ce que je m'apprête à faire. Ma manière de procéder reste tout le temps la même et je prends le minimum de risque pour éviter de me faire attraper. Je pousse maintenant la porte d'entrée, salue mes parents et monte directement dans ma chambre, à l'étage. Là, je me change, enfile un pull et un jogging noir, met mes baskets et embarque un cache-cou et une casquette afin de dissimuler mon visage. En redescendant, je dis à mes parents que je vais faire du sport avec mes amis afin de justifier mon changement de tenue. Et me revoila dans la rue.

Après une petite dizaine de minutes de marche, j'arrive à la gare où je prends un train pour une destination au hasard. Le trajet passe rapidement, et vingt minutes plus tard, je ressors dans une gare d'une banlieue de région parisienne. La nuit commence déjà à tomber, je vais donc bientôt pouvoir passer à l'action. Je décide de me poser à la terrasse d'un café pas loin de la gare, d'où j'ai une vue sur tous les gens qui en sortent. Je me mets alors en chasse. Mes critères sont assez sélectifs car j'essaie de réduire au minimum les chances de me faire attraper. Les gens qui passent les portiques et sortent de la gare sont majoritairement des adultes qui finissent leur journée de travail. Il y a quand même quelques ados qui rentrent des cours, et des enfants accompagnés par leur nourrice. Je remarque qu'il y a tout de même plus de femmes que d'hommes, pour je ne sais quelle raison. C'est alors que je la vois. Une jeune femme, grande, blonde, juchée sur de hauts talons. Elle porte une jupe bleue, sous une grosse doudoune noire. Elle passe devant la terrasse où je me trouve et continue à descendre la rue. Je règle vite ma consommation et commence aussitôt à la suivre. Mes avants bras me démangent, j'ai de plus en plus de mal à me contrôler. Mais je ne peux encore rien faire, il y a beaucoup trop de monde, je dois attendre qu'elle prenne une rue moins empruntée. Je continue discrètement à la suivre pendant cinq à dix minutes, je change même de trottoir pour éviter d'être repéré. Soudain elle s'engage dans une ruelle parallèle et je me dis que c'est peut-être enfin ma chance. Je la laisse avancer un peu dans la ruelle puis je la frappe à l'arrière du crâne avec une pierre que j'ai trouvée juste là. Elle s'effondre dans mes bras et je la dépose le plus délicatement possible à terre. Puis je lui retire une manche de sa doudoune, découvre un de ses bras graciles et sors mon couteau. Je commence alors à tracer une fine ligne rouge, du bas de son épaule à son coude. Pas très profond, juste histoire de faire couler un peu de sang. L'effet est immédiat : toute la colère accumulée au cours de la journée et même au début de la semaine s'estompe rapidement et je reprends le contrôle de mon esprit. Je réalise alors qu'une fois de plus j'ai cédé à mon vice et je m'en veux. La jeune femme n'a qu'une blessure superficielle, mais mon esprit sombre dans un abîme de noirceur et de déception. Quel genre d'être humain abject suis-je, à devoir blesser les autres pour contrôler mes propres émotions ? Tout à mes réflexions, je me retourne pour sortir de la ruelle et j'aperçois alors un policier au bout de celle-ci. Ce dernier me regarde, pose les yeux sur le corps et je vois la compréhension s'inscrire sur ses traits. « Vous-là, arrêtez vous », crie-t-il. Sans même réfléchir, je me retourne et me mets à courir, le policier sur mes talons...

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⏰ Last updated: Nov 25, 2022 ⏰

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Une journée dans la peau d'un assassinWhere stories live. Discover now