Chapitre 1: Une amère transition

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....Une soirée de réunion mouvementée. Tous les élèves de seconde étaient convoqués à une réunion que les anciens qualifiaient de traditionnelle. Ce soir, je perdis la notion du temps. Les secondes étaient plus longues que les minutes et les heures, plus courtes que les minutes. J'avais le regard perdu dans les faces dures et sévères des grand-frères*. De fines gouttes d'eau se bousculaient sur mon crâne fraîchement dénudé et celles qui s'en sortaient allaient s'échouer dans mes vêtements.

Ah, ces vêtements ! Je les ai achetés le même jour que j'ai appris ma réussite au concours. Tout était gai autour de moi. Je sentais mon cœur battre lourdement dans mon habit presque léger comme une toile d'araignée. Qui l'aurait d'ailleurs imaginé ? Je n'avais aucunement touché à mes cahiers avant le concours. Il y avait en moi cette assurance aussi grosse qu'un poing. Je disais à qui voulait l'entendre que je quitterais bientôt la ville....Le temps, aussi lent soit-il n'a pu empêcher le jour du concours d'arriver.

Tout avait commencé avec un matin mort et fade qui noyait discrètement la lune dans un ciel affamé. J'entendais presque la rosée caresser le sol nu parce que je m'étais reveillé avant le coq. Tout paraissait si rassurant, même ma serviette qui auparavant ne me couvrait qu'aux trois-quarts. Le bain fut aussi bref que mon ultime révision. Étais-je en train de réviser? Non, je prenais du plaisir à voir lettres et chiffres danser au rythme du bruissement des feuilles du cahier.
Ça y est ! Il était temps de partir. Les bénédictions parentales et surtout l'argent de poche étaient au rendez-vous. La route était assez longue mais elle finit enfin par se terminer. De loin, on voyait cette grosse colombe silencieusement perchée au carrefour sauvagement ambiant ; elle n'avait sûrement pas peur pour sa vie. C'était à une minute du centre décrit. Ce dernier était aussi grand que le mot et son aire,l'on ne pouvait que l'estimer. Il y avait cette foule de jeunes élèves se drainant vers l'entrée tel les laves d'une éruption volcanique. On entendait des cris et klaxons dans tous les sens.

Je descendis de la moto qui m'y avait conduit puis payai le conducteur tout en fixant droit l'entrée comme si j'y avais enterré mes dents de lait. Très vite, je sentis un vent lourd et chaud me parcourir.
Je commençai à me comparer à chaque élève sur qui mes regards tombaient -ils paraissaient pour la plupart génies- et mon assurance s'écourtait tel les doigts d'un lépreux. Je me dirigeai assez timidement vers les salles d'examen (les connaissais-je? Je suivais la foule). Il y avait une colonie de candidats. Ceux qui voulaient être calmes l'étaient et les autres causaient à arracher le ciel. Je commençais à promener mon regard dans tout le centre comme une hyène affamée. Je cherchais mon acolyte, mon rival de classe. Il devait passer le même concours que moi...

                   *   *   *   *   *   *   *

La réunion battait son plein ; la pitié n'avait de place que dans le cœur de la victime. Les 《Oui grand-frère》à chaque question assourdissaient et rendaient malades certains qui savaient bien en profiter pour déserter les lieux. Soudain, un silence tomba. Qu'y avait-il? Je ne pouvais le savoir car étant plongé dans ma naissante nostalgie qui m'emmenait hors de mes sens. J'entendis alors un grand-frère s'écrier 《Je répète, qui a fait ça ? 》.
Je compris qu'il s'agissait encore d'un cas à soulever comme ils savaient bien le dire. Je voyais ma joie se réduire et devenir aussi petite que le carreau dans lequel chaque nouveau se tenait à deux pieds fermes. Le silence continua toutefois de régner.

Le grand-frère se mit à inspecter nos visages comme vous le voyez dans des films policiers. Après un aller-retour dans les rangs que nous formions, il se retourna puis d'un ton sec désigna le coupable de la bêtise puisqu'il le connaissait lui-même. 《Toi!》,s'écria -t-il en montrant du doigt mon voisin facial. Je n'eu pas le temps de digérer ma peur avant qu'elle ne renaquît plus grosse. 《Non, celui qui est derrière toi ! 》, rajouta le grand-frère lorsque celui que je croyais désigné fit le geste d'avancer. C'était alors aussi clair que la paume d'une grenouille que j'étais le coupable en question. Je fis un moment l'étonné mais je me vis obligé d'avancer - Chaque coupable sortait du lot afin d'être mieux vu et jugé -. Je sentais mes pas aussi lourds qu'une planète et mon cœur battre à la vitesse du vent qui emportait par moments les illusions.

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