Chapitre 30 - La passeuse

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Mon cœur bat la chamade lorsque je pénètre dans la chambre d'hôpital. Allongée sur un lit d'un blanc immaculé, ma grand-mère dort. Bien qu'ils semblent plus tirés que lorsque je l'ai quittée, ses traits sont paisibles.

Abuela ?

Mon murmure ne lui échappe pas et je la vois ouvrir un œil. Dès qu'elle m'aperçoit, un grand sourire illumine son visage.

— Samuelito... souffle-t-elle d'une voix enrouée.

Sentant déjà les larmes me monter aux yeux, je me précipite vers elle pour la prendre dans mes bras. Le toucher de son corps frêle me fait réaliser à quel point elle a maigri ces dernières semaines. Je voudrais la serrer fort, mais elle me semble si fragile que j'ai peur de lui faire mal.

— Tu m'as manqué ! Si tu savais la frayeur que tu m'as faite... Lorsque j'ai appris ce qu'il t'était arrivé, j'ai cru mourir d'inquiétude. J'avais tellement peur que tu t'en ailles sans me laisser l'occasion de te dire au revoir et sans pouvoir être là pour vous...

— Samuelito... Tu me connais, je suis aussi résistante qu'un vieux chêne. Il faut plus qu'un pauvre AVC pour en finir avec moi...

Je laisse échapper un sourire. Son débit de paroles semble ralenti, comme si d'enchaîner les mots lui était devenu plus laborieux. Mais elle est là, elle est hors de danger, et c'est tout ce qui m'importe.

— Ça, c'est bien vrai.

— Bon, assez parlé de moi... déclare ma grand-mère. Raconte-moi plutôt comment s'est passé ton voyage. Je veux tout savoir.

— Tout, tout ? l'interrogé-je en arquant un sourcil taquin.

— Tout.

Sondé par son regard pénétrant, j'éclate de rire. À ce même moment, une infirmière s'arrête et passe une tête surprise à travers l'embrasure de la porte.

Señora Dionisia, c'est votre rire que j'entends depuis l'autre bout du couloir ?

— Oh, non, ça doit venir de la chambre d'à côté... rétorque ma grand-mère en feignant un air indifférent.

L'infirmière secoue la tête avant de m'adresser :

— Jeune homme, je ne sais pas ce que vous avez fait, mais je ne l'avais pas vue aussi radieuse depuis son arrivée ici !

Touché, je me contente d'esquisser un sourire énigmatique tandis qu'elle s'éloigne dans le couloir. Je repense alors avec gratitude à ce fameux café avec Stella, lorsque j'étais au fond du gouffre. Dire que j'étais prêt à renoncer à tout pour rentrer en Colombie ! En la voyant sourire comme ça, je réalise à quel point mon amie disait juste. Rien n'aurait pu la rendre plus heureuse que de me voir revenir en étant allé au bout de cette liste de défis. Son conseil était certainement l'un des meilleurs que l'on ne m'ait jamais donnés.

Brûlant d'impatience de lui partager ces exploits, je plonge la main dans la poche de mon bermuda avant de déclarer :

— Avant tout, je tenais à te rendre quelque chose.

J'en extrais un feuillet froissé que je déplie soigneusement sous les yeux ébahis de ma grand-mère. Elle reconnaît aussitôt son écriture, bariolée de l'encre du feutre vert de Stella.

— Ta liste... Tu as tout fait ?

Pour seule réponse, je hoche la tête d'un air fier, face à ma grand-mère, qui ne semble toujours pas s'en remettre.

— Tout, tout ? insiste-t-elle d'un air surpris.

— Tout, l'imité-je en revêtant mon air le plus sérieux.

Samuel et l'air de l'incertain [Terminée]Where stories live. Discover now