Sortilèges et décoctions (Terminée)

Chapitre 24 - Evasion

Je tire sur mes liens en cherchant désespérément une solution.

Comme convenu avec les garçons cet après-midi, j'ai laissé Circé sortir pour qu'elle rejoigne Stéphane au campement. A cette heure-là, elle doit déjà y être. La contacter ne me sera d'aucune aide, elle ne sera pas là à temps et même si c'était le cas, je ne ferais que la mettre en danger. Je dois me débrouiller seule pour cette fois.

Pendant que je réfléchissais, Mme Erdevor est parvenue à la porte de la boutique. En voyant Adam, elle laisse échapper un ricanement sombre.

- Eh bien, tu as de la visite, ce serait impoli de le laisser attendre plus longtemps..., annonce-t-elle en ouvrant la porte.

En voyant une personne inconnue se tenir dans ma boutique prétendument fermée et lui ouvrir, Adam réagit aussitôt. Il laisse échapper le bouquet de fleurs qu'il tenait et se précipite vers elle pour la faire tomber. Malheureusement, Mme Erdevor ne fait que reculer. Elle parvient ensuite à se dégager en lui assénant un coup de couteau le long de l'épaule. Le mercenaire recule de deux pas en grimaçant pour jauger la situation dans son ensemble.

- Utilise le balai, lançais-je de derrière le comptoir en luttant toujours contre mes liens.

S'il semble surpris par mon intervention, Adam se reprend vite et attrape l'objet avant de se mettre en garde.

- Que croyez-vous faire ? Je suis la seule à être armée ici ! crie l'humaine en se précipitant sur Adam.

Ce dernier se défend vaillamment face à elle mais la petite taille de mon magasin ne lui permet pas de se battre comme à son habitude. Quant à son adversaire, elle semble parfaitement dans son élément, elle a sûrement suivi des cours. Je comprends désormais comment elle a pu tuer une ogresse, l'effet de surprise allié à ses compétences lui a permis de prendre le dessus.

Lors d'un mouvement trop précipité, le manche du balai d'Adam cogne contre une étagère et laisse une ouverture à l'humaine. En moins d'une minute, il se retrouve avec une lame plaquée contre la gorge, forcé de lâcher son arme de fortune.

- Maintenant que cette tentative futile est terminée, vous allez gentiment obéir, explique Mme Erdevor en revenant vers moi avec Adam. Dites-moi pourquoi je ne vois rien, le produit ne fonctionne plus ?

- Parce qu'il n'y a rien à voir, tout simplement. Je ne sais pas ce que vous comptiez trouver ici, à part des plantes

- Dans ce cas, je veux une liste complète de tous vos clients, je ferai le travail moi-même puisque personne ne semble s'en soucier

- Relâchez d'abord mon ami, répliquais-je en essayant d'insuffler de la magie dans ma voix, sans succès.

- C'est hors de question !

- Ecoutez, vous avez parlé de monstres, quel est le lien avec mon magasin ? Vous devriez plutôt aller voir la police, répliquais-je en espérant la faire partir.

- Ils viennent tous s'approvisionner chez vous et vous espérez me faire croire qu'il s'agit d'une coïncidence ?! Je sais que vous êtes à l'origine de tout ça depuis le début, c'est pour ça que j'ai utilisé de l'iridine, pour vous faire accuser ! Mais les policiers aussi sont corrompus, je les ai vus se transformer en monstres à leur tour et ils vous ont laissée en liberté. Toute la ville est contaminée et ils n'interviennent même pas !

A moitié hystérique, la veuve de Mme Erdevor se met à décrire les différentes créatures qu'elle a croisées, en insistant sur leur apparence "monstrueuse". Avec ses explications, je découvre qu'elle a croisé plusieurs de mes clients, totalement inconscients du danger qu'ils ont couru. Après les deux premiers meurtres, la veuve a su se maîtriser et n'a rien tenté envers eux.

- C'est vous qui m'avez fait suspecter ?! répétais-je avec surprise. Et j'imagine que les graffitis sur ma vitrine ne vous sont pas inconnus...

- En effet... Mais trêve de bavardages, gagner du temps ne vous servira à rien, donnez-moi la liste de tous vos clients si vous voulez que votre partenaire reste en vie, menace l'humaine en appuyant la lame du couteau sur la gorge d'Adam jusqu'à faire couler un peu de sang.

- Je ne tiens pas d'inventaire, il n'y a aucun nom sur les paiements, il m'est impossible de vous transmettre un tel document, répondis-je finalement en lui lançant un regard meurtrier.

Je déteste ça. Ne rien pouvoir faire pour aider Adam me tord les entrailles. S'il n'y avait que moi, la situation serait beaucoup plus facile. Bien que je n'ai pas le droit d'utiliser la magie devant les humains, il y a largement de quoi faire autour de nous pour un peu que mes mains soient libres.

- Vous êtes terriblement inutile..., soupire Mme Erdevor en me jaugeant de haut en bas. Dans ce cas, je veux d'autres flacons de cette substance, ordonne-t-elle en posant les larmes de cyclope sur le comptoir.

- Il ne s'agit pas d'un ingrédient pur mais d'un mélange et je n'en prépare jamais à l'avance, vous n'en trouverez pas dans ma boutique, mentis-je. Par contre, je peux vous le préparer sur place, ajoutais-je précipitamment en voyant ses sourcils se froncer, signe que la vie d'Adam ne tient plus qu'à un fil.

Après quelques secondes de réflexion, l'humaine prend sa décision.

- D'accord, je vais d'abord attacher votre copain avant de vous libérer. Vous n'aurez qu'une seule chance, si je soupçonne la moindre tromperie, il se videra de son sang sur votre plancher, c'est clair ?

- Limpide, acquiesçais-je.

- Et je veux que vous le prépariez devant moi pour pouvoir le faire seule la prochaine fois, conclut-elle sans attendre d'approbation de ma part.

N'ayant plus de chaise disponible, Mme Erdevor installe Adam par terre, à côté d'un radiateur. D'un sourire, je le rassure, tout va bien se passer. Malgré son tee-shirt imbibé de sang sur l'épaule droite, il hoche la tête, me faisant confiance pour nous sortir de là indemnes. De là, je peux voir que le sang ne coule déjà plus, c'est bon signe. Il lui faudra sûrement des points de suture mais rien plus, il n'aura pas de séquelles. Sans m'en rendre compte, je commence à réfléchir aux onguents qui pourraient lui être utiles. Le mieux serait d'en faire un sur-mesure mais la guérison d'Adam devra attendre le départ d'une tueuse en série légèrement nerveuse.

Dès qu'Adam est immobilisé, Mme Erdevor se tourne vers moi. A présent sous la menace directe d'une arme blanche, je réalise à quel point le mercenaire est resté calme. La simple présence de cet objet à quelque centimètres de moi est si pesante ! Finalement, malgré des années d'affrontements avec des monstres, aucun ne m'a jamais paru aussi incertain.

Prenant une grande inspiration, je commence à lister les ingrédients dont je vais avoir besoin. Méfiante, l'humaine me suis à travers chaque rayonnage, vérifiant que je prends bien les plantes nommées sans essayer de la tromper.

De retour au comptoir, je continuer d'énoncer les ustensiles en les sortant pour qu'aucun de mes gestes ne soit mal interprété par notre geôlière.

- Vous avez réellement besoin de tout ça ? J'espère qu'il ne s'agit pas d'un piège...

- Ecoutez, cette fiole provient de ma boutique, si vous n'avez pas confiance, je vous laisse chercher une autre herboristerie capable de la confectionner..., lançais-je en haussant les épaules. Je ne vous retiens pas

- Continuez, ordonne la veuve en me lançant un regard noir.

- Comme vous voulez, répondis-je d'un ton neutre sans paraître déçue. Maintenant que j'ai tout ce qu'il me faut, nous allons pouvoir commencer

On s'approche de la fin !

A lundi prochain  ^^