MON PREMIER R...

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     J'avais offert presque trois années de ma vie à écrire mon premier roman, L'Arcane sans nom . Cette œuvre achevée, ce n'est pas sans fierté ni joie que j'inscrivais en bas de la dernière page et en lettres majuscules le mot FIN.

     Par la suite je m'armai de patience, démarchai de nombreuses maisons d'édition, multipliai les plis postaux, les appels téléphoniques, les emails, enfin bref, j'essayai avec fougue et par tous les moyens de vendre mon récit. Le moral gonflé par la sérotonine je ne désespérai aucunement de voir ma prospection aboutir. Même si tous les retours s'avéraient infructueux, il me paraissait inconcevable qu'aucun éditeur ne remarque mon roman et, par conséquent, le publie. J'avais tant de plaisir à le lire et à le relire.

     Les semaines, puis les mois passèrent sans autre satisfaction que les multiples lectures de mon texte auxquelles je m'adonnais comme à une dépendance de morphinomane. Après une année d'attente, rien ne s'était produit hormis qu'il me devenait évident qu'aucune maison d'édition ne voyait dans mon écrit un intérêt quelconque, pas même une source de bénéfices nets. Alors, seulement, je renonçai.

     Mais il n'est pas dans ma nature de m'abandonner à la dépression ni d'oublier la vie. C'est pourquoi je trouvai à m'occuper en m'initiant à l'ébénisterie. La précision et la finesse des gestes nécessaires à la réalisation de beaux meubles en bois nobles me convenaient à merveille. En perfectionnant ma technique, j'approfondissais la connaissance de mon être. En une année seulement je devins un homme serein... Le temps poursuivait son chemin et une nouvelle année d'initiation m'accorda bien plus de maturité et de confiance en moi. Je me sentis capable de créer et cela me transfigura. Désormais mes objets se vendaient et je commençais à envisager de vivre de l'activité d'ébéniste.

     Un jour, je me lançai dans la fabrication d'un secrétaire en palissandre. Je soignai particulièrement le panneau qui servirait de table d'écriture. Je choisis pour celui-ci le carouge, bois précieux et rare parfait pour la marqueterie. Puis, par incrustation, je composai comme un tableau abstrait avec des pièces de nacre et d'écaille auxquelles je mêlai de fins galets de métal poli. L'ensemble respirait la beauté et la sérénité. Aucun détail ne fut abandonné au hasard. Ainsi je réalisai un tiroir d'une grande finesse que j'installai sur des glissières silencieuses et invisibles.

     Lorsque le bel objet fut achevé, je le contemplai sans me lasser et je m'interrogeai : serais-je talentueux pour de telles pièces ? Si tel était le cas, l'ébénisterie deviendrait ma vie. Je pressentais qu'enfin j'avais trouvé ma voie.

     Alors j'ouvris l'unique tiroir du secrétaire et y glissai mon premier roman.

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⏰ Last updated: Dec 13, 2022 ⏰

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