13 Décembre : Assemblé

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« Illuminations
Scintillements dans les yeux
Vol de lucioles »

J'ai un petit sourire en coin. Le calendrier a vu juste. Avec un jour de retard ! Le haïku du jour décrit parfaitement ce qu'Audrey et moi avons pu lire hier soir dans les yeux d'Andy. Fidèle à sa promesse, notre ami n'a omis aucun détail, et certains étaient particulièrement croustillants. Il s'en passe des choses dites-moi dans les réserves de l'École des Beaux-Arts ! Je suis heureuse pour lui. J'ai hâte de rencontrer ce Lillian. Tout ce qu'Audrey et moi savons pour l'instant, c'est qu'il est plutôt petit, tout juste un mètre soixante, qu'il a des yeux verts impossibles et que, d'après Andy, il embrasse comme un dieu. Notre meilleur ami est officiellement en couple. Le suspens entourant ce fameux garçon ne devrait pas durer très longtemps : Lillian est censé venir assister au spectacle de Noël. Je suis excitée comme une puce (ou plus exactement comme une ado devant un super potin tout frais, tout beau, il faudrait vraiment que je pense à grandir un jour).

En-tout-cas, cette ravissante nouvelle et le changement de comportement d'Aleksandr font que je suis particulièrement de bonne humeur ce matin. Pour couronner le tout, je me rends compte que cela fait maintenant trois jours consécutifs que mon calendrier n'a prédit aucun malheur. Serait-ce la fin de la malédiction ?

Je me prépare en vitesse, juste à temps pour entendre la sonnette de notre petite maison retentir. C'est Audrey. C'est elle qui doit m'amener au lycée ce matin. Elle est venue en avance car nous avons prévu un petit débriefing entre filles sur le récit de notre meilleur ami. Je dévale les escaliers aussi vite qu'il m'est possible avec mes béquilles. Maman a déjà ouvert à mon amie et a servi le café. Audrey est assise à la table de la cuisine et sirote sa boisson chaude. Je comprends rapidement que ce n'est pas aujourd'hui encore que je vais sauter le petit-déjeuner. Si ça continue, il va falloir qu'Aleksandr fasse plus de muscu s'il ne veut pas finir écraser sous mon poids. Je mange tout de même deux tartines pour faire plaisir à maman.

Heureusement pour moi, un des principaux défauts d'Audrey est son impatience. Elle ne tient pas en place. Défaut qui, curieusement, ne l'empêche pas de s'occuper à merveilles des éveils à Arabesque. Pourtant ce sont de vrais petits diablotins qui en épuiseraient plus d'un. En réalité, ce dont Audrey a besoin, c'est de mouvement, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'un cours de danse donné à des moins de cinq ans, on fait difficilement plus mouvementée comme expérience. En revanche, me regarder manger est clairement une activité ennuyeuse. Audrey m'attrape sous les bras pour me forcer à me lever, me jette mes béquilles dans les mains, et me pousse gentiment mais sûrement vers la porte. C'est ainsi que j'échappe de justesse aux œufs brouillés qui frémissent dans la poêle. Maman n'a guère le temps d'émettre la moindre protestation. J'enfile mon manteau en vitesse et suis ma meilleure amie.

Dehors, le froid me gifle le visage. Il fait encore nuit et les températures sont négatives. Je m'engouffre dans la voiture d'Audrey qui met immédiatement le contact et le chauffage.

« On fait un détour par le centre-ville ? me propose-t-elle. On est en avance et on n'a pas encore fait notre tournée traditionnelle cette année.

— Allons-y, j'acquiesce en accompagnant mon approbation d'un hochement de tête, ça sera beaucoup plus sympa que de discuter sur le parking du lycée. Si on va direct au lycée, on en a à peine pour trois minutes. C'est largement insuffisant !

— Totalement insuffisant, approuve Audrey, notre Andy est en couple, tu te rends compte ? Avec une telle nouvelle, je ne vois pas comment je peux te libérer de cette voiture à l'heure pour ta prise de poste !

— Il le faudra pourtant, mais comme tu m'as brillamment sauvée des œufs de ma mère, tu as gagné dix bonnes minutes de papotage entre filles. »

Nous entamons une discussion animée sur ce que nous pensons et ce que nous imaginons de ce Lillian. Hier soir, il était difficile de se faire une idée tant la folie des premiers jours rendait Andy peu objectif. Selon ses dires, on aurait affaire à Mister Univers avec le talent de Léonard de Vinci. Rien que ça ! Et même si je ne doute pas que ce soit un merveilleux artiste, je ne pense pas que ce jeune homme officie dans la même catégorie. D'ailleurs, en écoutant notre ami, Audrey et moi n'avons pas pu nous empêcher d'imaginer un mini Schwarzenegger un délicat pinceau à la main. Le résultat est somme toute assez cocasse. Mais qui est objectif quand il est amoureux ? Surtout en début de relation.

Les mésententes de la Fée Dragée et du Prince OrgeatWhere stories live. Discover now