𝗙𝘂𝗶𝗿.

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J'ai fuis. Fuir quoi ? La guerre et la famine. Mon amour et ma famille. Au pays, le changement s'est fait en quelques jours, les cinémas sont devenus des refuges, les écoles des hôpitaux.
Tous entassés dans un bateau, nous sommes partis de nuit. Certains priaient, d'autres pleuraient, et moi je restai là, immobile sur le quai. Je serrais ses petits doigts gelées par le froid entre les miens. À chaque nouveau pas sur le navire, ma tête me disait de faire marche arrière, de retourner au front, mais mon cœur m'en empêchait, pour elle. Une fois en pleine mer, je fixais une dernière fois ma terre, me rappelant mon enfance jusqu'à maintenant, le jour du commencement. Le voyage dura plusieurs jours, et on se posait des milliers de questions. Questions restées longtemps sans réponse, avant de poser les pieds sur le sol. J'avais peur, j'avais la boule au ventre, je ne savais plus rien. J'étais comme un enfant qu'on abandonne, un orphelin errant dans l'inconnu. Ma valise à la main, dans la voiture, le paysage ne me rappelait aucun endroit de mon pays. Tout était différent ; la langue, les maisons, les routes, les parcs. J'étais un homme perdu, perdu dans l'immensité de cette ville bondé de monde, dans laquelle rien n'était similaire. La gorge serrée, le cœur lourd, j'attendais mon tour. Des habitants, seuls ou en couple, étaient venus nous chercher pour nous emmener dans des logements pour nous. Nous les étrangers, nous les migrants fuyant une guerre qui met à terre notre pays depuis un millénaire. Arrivés devant la façade d'un grand bâtiment, moi et ma fille avons été placés dans un appartement, avec un vieux monsieur dis Armand. Il nous avait accueillis avec douceur, nous laissant pour la première fois dormir sans peur. Toute l'après-midi, j'avais senti le jugement dans le regard des gens. Impression ou réalité, je ne pouvais différencier. Aveuglé par une angoisse pesante, impossible d'identifier ceux qui mentent. Il se faisait tard, la lune avait déjà fait son apparition, laissant apparaitre à la fenêtre une lueur. Lueur d'espoir je n'étais pas sûr, mais elle laissait ma tête se faire envahir de souvenirs, mon visage de sourire.
J'étais sur mon lit, sanglotant, serrant contre moi tout ce que j'avais emporté du pays. Par "tout", je voulais dire ma fille. Son regard d'enfant me fixait, les yeux brillants, avec douceur.  Sans dire un mot je savais ce qu'il y avait au fond de son cœur, tout le malheur, d'une enfance brisée par de beaux-parleurs.

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⏰ Last updated: Jan 20, 2023 ⏰

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