Chapitre 15

4 1 0
                                    


La Grande Armée, la plus grande armée que le désert ait vu le fouler, s'est mise en branle avant le lever du soleil. Le temps s'était rafraichit et il faisait presque un temps agréable pour les soldats rompus au désert. Le Chah avait pressé ses subalternes d'imposer aux hommes une rigueur. Les capitaines n'ont pas discuté les ordres. Dès que la nuit a montré signe de faiblesse, tout était prêt.

Le Chah a refusé de chevaucher en tête. Il a laissé passer l'avant-garde et a supervisé lui-même les dernières incinérations. Ceux qui l'ont remplacé à l'avant non pas discutés. Tous les malades et blessés n'avaient pas rendu l'âme et il a encore fallu se débarrasser des morts qui refusaient de mourir. Le Chah se montrait intraitable pour ceux qu'on aurait voulu abandonner au désert : ce n'était pas une option de semer des cadavres.

Jazir a supervisé le sale boulot. Il a même eu l'ordre d'y participer lui-même. C'était la punition du Chah a son incompétence. Ces morts étaient sa faute.

Quand ils ont eu fini, le Chah l'a arrêté près de l'endroit où s'était situé la tente du capitaine. Il a sommé à ses hommes de continuer sans eux :

— Jazir, a-t-il dit. Que s'est-il passé ici ?

Il fixait une grande flaque qui se découvrait dans l'aube naissante. Le sable avait noirci, comme consumé par les flammes, en une grosse tâche noirâtre qui se ramifiait en racines émergées de la terre elle-même.

Jazir a regardé son maître.

— Jazir, je sais reconnaître les traces de la sorcellerie.

Le Chah lui souriait.

Jazir n'a pas discuté. Il a tout avoué. On ne mentait pas au Chah.

Le Chah a pris un air contrit. La file de queue les dépassait. Quelques hommes sont restés là à attendre.

— Allons ! Continuez, mes grands. Vous n'avez pas besoin de moi pour vous tenir la main, si ?

Les soldats ont paru gêné. L'un d'eux s'est encore retourné plusieurs fois mais le Chah restait immobile, un sourire gravé sur son impassible visage. Les hommes ont continué. Jazir et le Chah sont restés seuls tandis que s'éloignait l'armée. Jazir peinait à contenir les tremblements dans sa main, il occupait ses doigts derrière son dos. Le Chah a soupiré :

— Ah, Jazir. Quelle naïveté. Je devrais te faire exécuter sur le champ.

Jazir s'est mordu la langue mais il a bombé le torse et redressé la tête. S'il devait mourir, ce ne serait pas en lâche ou sans fierté.

— Ce n'est pas ton sang qui te protège. Tu es un homme bon et un conseiller dont je ne voudrais pas me passer. Cependant, je ne peux pas te laisser au commandement, tu es bien trop sensible. Désormais, tes hommes ont un nouveau chef, tu ne seras plus capitaine.

Jazir a frémi.

— Jazir, tu sais que j'ai été à Caffoue. Sais-tu seulement pourquoi ? Cette cité immonde recèle de quelque chose de plus précieux que ses impitoyables mercenaires. Elle abrite encore quelques grands savoirs que les nôtres ont oubliés depuis. T'es-tu déjà aventuré au nord, dans ce lieu que l'on nomme landes grises ? Là-bas le sable devient gris, presque cendreux. J'y ai erré durant mon exil alors j'ai voulu comprendre. Notre histoire est étroitement liée à ceux qui ont fui au nord, ce que les nôtres aiment appeler « là-haut ». Dans notre langue ancestrale, un mot désigne ceux qui nous ont précédé ici. On les appelle Nadir, les Anciens. Ceux du nord, eux, les appellent Prînés. Jazir, la fille que tu as laissé partir est probablement issue de cette lignée ancienne. Oh Jazir, ta stupidité nous égare et pourrait nous perdre. Tu dois absolument retrouver cette gamine.

Le Chah a regardé le ciel et a soupiré. L'horizon s'orangeait et une ombre l'a traversé.

— Au moins cet immonde Alik aura rejoint son détestable frère. Mais il est temps de nommer un nouveau chef. (Il s'est tourné vers Jazir) toi, tu pars seul. Maintenant. Trouve la fille et ramène la.

Jazir n'a pas discuté.


Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant